Centrafrique : Faustin-Archange Touadéra, l’équilibriste du cœur de l’Afrique
À l’approche de la présidentielle du 28 décembre, le chef de l’État centrafricain affirme sa confiance en une victoire, tout en tentant de maintenir l’équilibre entre Paris et Moscou, dans un contexte régional marqué par la montée des tensions et l’instabilité du Soudan au Tchad. À quelques semaines du scrutin du 28 décembre, Faustin-Archange Touadéra aborde la campagne avec assurance. Dans un entretien à France 24, le président centrafricain déclare avoir « confiance » en sa réélection, évoquant les progrès du désarmement et la « stabilisation progressive » du pays. Onze des quatorze groupes armés ont accepté de déposer les armes », assure-t-il, citant les discussions en cours avec le MPC d’Al-Khatib, encore actif dans le nord du pays. Élu en 2016 et réélu en 2020, Faustin Touadéra met en avant la réconciliation et la reconstruction comme piliers de son bilan. Mais sur le terrain, la situation reste fragile. Selon les Nations unies, près de 60 % du territoire demeure sous l’influence de groupes armés, et plus de 3,4 millions de Centrafricains — soit la moitié de la population — dépendent toujours de l’aide humanitaire. Les violences intercommunautaires, les trafics transfrontaliers et la pauvreté structurelle alimentent un climat d’incertitude à la veille du vote. Face à une opposition divisée, dont une partie appelle au boycott, le président estime qu’elle « n’est pas constructive » et « n’est pas suivie par la population ». Plusieurs figures de la société civile dénoncent toutefois un processus verrouillé, évoquant un risque de scrutin « sans véritable compétition ». L’Union africaine et l’ONU appellent à garantir « des élections crédibles, inclusives et sécurisées », alors que certaines préfectures restent inaccessibles aux observateurs internationaux. Entre Paris et Moscou : une diplomatie d’équilibriste Sur le plan international, Touadéra s’efforce de ménager ses deux principaux partenaires : la France et la Russie. Après plusieurs années de tensions, le dialogue franco-centrafricain a repris en avril 2024. « Les choses se passent très bien avec Paris, nous avons mis en place une feuille de route », déclare le président. Ce rapprochement traduit une volonté de normaliser les relations bilatérales après une période dominée par l’influence russe. Depuis 2018, des centaines d’instructeurs liés au groupe Wagner — aujourd’hui réorganisé sous le nom Africa Corps — assurent la formation et la protection du régime. Interrogé sur un nouvel accord militaire avec Moscou, Touadéra reste évasif : « Ce n’est pas sur votre plateau que je vais m’étaler sur ces questions. Par courtoisie envers nos partenaires ». Et d’ajouter, en forme de réponse politique : « Je ne suis l’otage de personne ». Derrière la prudence diplomatique se joue un enjeu géoéconomique crucial : le contrôle des ressources minières, notamment l’or et les diamants. Ces richesses, qui représentent près de 40 % des exportations officielles, alimentent aussi des circuits de contrebande transfrontalière vers le Soudan, le Cameroun et le Tchad. Pour plusieurs observateurs, la Centrafrique s’est imposée comme un maillon du vaste réseau d’intérêts économiques et sécuritaires russes en Afrique centrale. Un environnement régional sous tension Au-delà de ses frontières, Bangui évolue dans un environnement régional instable. La guerre au Soudan, que Touadéra décrit comme « une source d’inquiétude sécuritaire majeure », favorise la circulation d’armes et de combattants vers le nord de la Centrafrique. Le Tchad voisin, dirigé par Mahamat Idriss Déby, redoute une contagion de l’instabilité, tandis que le Cameroun continue de faire face à des tensions dans ses régions anglophones. Dans ce contexte, la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) peine à jouer un rôle de stabilisation. Les rivalités politiques internes — notamment entre Kinshasa, Libreville et Brazzaville — limitent sa capacité à agir. La fragilité centrafricaine devient ainsi le reflet d’une Afrique centrale fragmentée, où les transitions politiques, les trafics et la compétition des puissances extérieures s’entrecroisent. Les bailleurs internationaux — Banque mondiale, FMI, Union européenne — maintiennent leur soutien, mais sous conditions : bonne gouvernance, transparence dans les recettes minières et respect des droits politiques. Confiant, Faustin-Archange Touadéra cherche à apparaître comme l’homme fort d’un État sous tutelle partielle, mais en quête de souveraineté. Entre ambitions électorales et contraintes géostratégiques, le président centrafricain avance sur un fil ténu — celui d’un pouvoir fragile dans une région sous tension, où chaque élection devient un test de stabilité continentale.
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