Édito du Mois

Scrutin manuel, soupçons numériques : le paradoxe électoral camerounais

Proclamation anticipée, accusations de fraude et lenteurs numériques alimentent l’incertitude. Deux semaines avant l’annonce officielle des résultats de la présidentielle, le candidat de l’opposition Issa Tchiroma Bakary s’est proclamé vainqueur, défiant ainsi la loi camerounaise qui réserve cette prérogative au Conseil constitutionnel. « Le peuple a choisi, et ce choix doit être respecté », a-t-il affirmé sur les réseaux sociaux, dénonçant un « crime électoral » à Bafoussam et des pressions exercées sur ses représentants. Légalement, seule l’instance constitutionnelle peut proclamer les résultats. Toute déclaration unilatérale est considérée comme illégale. En 2018, une initiative similaire du candidat Maurice Kamto avait conduit à son arrestation. Numérisation absente, compilation lente Malgré la disponibilité des technologies de transmission rapide et sécurisée des résultats (IA, blockchain, systèmes automatisés), le Cameroun continue de compiler les procès-verbaux manuellement, parfois dans des zones isolées. Issa Tchiroma Bakary profite de ce retard, d’autant plus que le taux de participation n’a pas encore été communiqué. « Les outils numériques sont sous-utilisés, ce qui nuit à la transparence et à la confiance », note un expert électoral étranger. Stabilité politique et enjeux géostratégiques Le Cameroun reste un pays clé en Afrique centrale, frontalier du Nigeria et engagé dans la lutte contre Boko Haram. Tout dérapage post-électoral pourrait déstabiliser la région. Le RDPC appelle à la retenue, assurant que le processus s’est déroulé dans le calme et la légalité. Le Conseil constitutionnel devrait proclamer les résultats au plus tard le 26 octobre. Jusqu’à cette date, le Cameroun retient son souffle. « Ce n’est pas seulement une élection, c’est un test de stabilité pour toute la sous-région », analyse un diplomate européen. À suivre :  la publication des résultats officiels par le Conseil constitutionnel ; les réactions des acteurs internationaux (UA, CEEAC, partenaires bilatéraux, les Risques de manifestations et instabilité sécuritaire ; l’impact sur l’économie et les investissements étrangers.

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Centrafrique : 10.000 rebelles désarmés grâce au processus DDR

Le président centrafricain Faustin-Archange Touadéra a annoncé que 10.000 anciens rebelles ont été désarmés au cours des dernières années dans le cadre du programme DDR (Désarmement, Démobilisation et Réintégration). Ce processus a également permis de récupérer 30.000 armes. Ces avancées ont été rendues possibles par la collaboration entre le gouvernement centrafricain et ses partenaires internationaux, notamment dans le cadre de l’Accord politique pour la paix et la réconciliation nationale (APPR) signé en 2019. Lors de la 11e session du Comité stratégique du DDRR à Bangui, le président a indiqué que : 11 des 14 groupes armés signataires de l’APPR ont dissous leurs mouvements ; Les deux autres groupes majeurs restants, l’UPC (Unité pour la paix en Centrafrique) et les 3R (Retour, Réclamation et Réhabilitation), sont en voie de dissolution dans le cadre de l’Accord de N’Djamena. Faustin – Archange Touadéra a salué ces progrès comme un signe clair d’évolution vers une paix durable, en insistant sur l’importance de la sécurité, de l’unité nationale et du respect des engagements. La Centrafrique a été marquée par des années de conflits armés ; Le programme DDRR vise à désarmer les combattants, à démobiliser les groupes armés, et à réinsérer les ex-combattants dans la société. Ces chiffres montrent une avancée majeure pour la stabilisation du pays. La dissolution presque complète des groupes armés marque une étape clé dans la sortie de crise.

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Madagascar : Emmanuel Macron garde le silence sur l’exfiltation de Rajoelina

Alors que des rumeurs d’exfiltration du président Rajoelina circulent, Paris appelle au respect de l’ordre constitutionnel dans un pays au bord de l’implosion politique. Une exfiltration sous hypothèse, une île sous tension. Alors que Madagascar s’enfonce dans une crise politico-militaire sans précédent depuis la fin de la Transition de 2009, les spéculations autour d’une éventuelle exfiltration du président Andry Rajoelina par un avion militaire français depuis l’île Sainte-Marie agitent les milieux diplomatiques. Interrogé en marge du sommet pour la paix à Charm el-Cheikh, Emmanuel Macron a botté en touche : « Je ne confirme rien aujourd’hui », a-t-il déclaré, tout en exprimant sa « grande préoccupation » face à la situation dans la Grande Île. Ce refus de confirmer, en langage diplomatique, vaut souvent reconnaissance implicite d’un soutien logistique discret. Une crise multidimensionnelle : sociale, militaire, institutionnelle Le mouvement Génération Z, déclenché le 25 septembre sur fond de pénuries d’eau et d’électricité, a rapidement muté en contestation politique radicale, ciblant directement la légitimité du président malgache. Malgré la dissolution du gouvernement et la nomination d’un cabinet militarisé, la colère populaire s’amplifie. La fracture désormais visible au sein de l’armée – matérialisée par l’insubordination du CAPSAT (unité stratégique) – a transformé la crise en affrontement civilo-militaire. Cette unité a unilatéralement nommé un nouveau chef d’état-major, le général Démosthène Pikulas, défiant l’autorité présidentielle. Pour la présidence, « il s’agit d’une tentative de coup de force ». Réactions régionales : entre inquiétude et prévention L’Union Africaine, par la voix de Mahmoud All Youssouf, a exprimé sa « profonde inquiétude » et appelé « civils et militaires à la retenue, au dialogue, et au respect de la Constitution ». La SADC (Communauté de développement de l’Afrique australe) a convoqué une réunion d’urgence, tandis que les chefs d’État des Comores, de Maurice et d’Afrique du Sud se sont alignés sur une position commune : « préserver l’ordre constitutionnel à Madagascar est une priorité régionale ». Une crise prolongée aurait des effets domino sur la stabiliité de cette région de l’ocean indien. Enjeux géoéconomiques : la stabilité, clef de l’attractivité Madagascar, positionnée stratégiquement sur les grandes routes maritimes indo-pacifiques, est également convoitée pour ses ressources minières stratégiques : nickel, graphite, cobalt, terres rares. Près de 750 millions de dollars d’investissements directs étrangers (IDE) sont actuellement gelés ou menacés. Le secteur du tourisme, qui reprenait après la pandémie, est à nouveau à l’arrêt. L’agriculture d’exportation (vanille, litchis), principale source de devises, subit également les perturbations. Une jeunesse en éveil, un pouvoir en déclin Le président français Emmanuel Macron a tenu à saluer le rôle des jeunes dans cette crise : « Une jeunesse politisée, qui veut vivre mieux, c’est une très bonne chose ». Mais il met en garde contre toute récupération par des « factions militaires » ou des « ingérences étrangères ». En écho, le collectif Gen Z, qui organise des rassemblements pacifiques Place du 13 mai, annonce une « concertation nationale » dans les prochains jours. Un point de bascule pour la région La crise malgache dépasse largement le cadre national. Elle interroge la résilience des États insulaires face aux chocs internes et externes : pénuries, corruption, tensions militaires, jeunesse mobilisée. Elle questionne aussi la capacité des institutions africaines à prévenir les dérives autoritaires ou les coups d’État rampants. Entre silence stratégique et diplomatie de crise L’exfiltration non confirmée d’Andry Rajoelina pourrait marquer la fin d’un cycle politique ouvert en 2009. La France, traditionnellement influente à Madagascar, semble jouer la carte de la prudence, tandis que l’UA tente de reprendre la main. La fenêtre pour une désescalade existe, mais elle se referme rapidement. « Le pire n’est jamais certain, mais il devient probable quand le silence devient stratégie », glisse un diplomate européen.

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France–Afrique : Le gouvernement Lecornu à l’épreuve du continent stratégique

En dévoilant la composition de son gouvernement le 12 octobre, le Premier ministre français Sébastien Lecornu n’a pas seulement cherché à stabiliser la politique intérieure d’une France fracturée. Sébatien Lecornu a aussi posé les bases d’un repositionnement stratégique, notamment vis-à-vis de l’Afrique. Dans un contexte de recul d’influence française sur le continent, le nouveau gouvernement entend conjuguer réalisme diplomatique, partenariats économiques ciblés et sécurité partagée. « La France doit parler d’égal à égal avec l’Afrique, non plus au nom de l’histoire, mais au nom de l’avenir », aurait confié un proche du Premier ministre. Une diplomatie en reconquête La reconduction de Jean-Noël Barrot aux Affaires étrangères et la nomination de Catherine Vautrin aux Armées témoignent d’un double impératif : réaffirmer la présence stratégique française tout en réinventant les relations bilatérales dans un environnement post-Françafrique. Depuis le retrait progressif des forces françaises du Sahel et la montée en puissance d’acteurs concurrents – notamment la Russie, la Chine et la Turquie-, Paris cherche à transformer ses liens traditionnels en coopérations pragmatiques, axées sur la sécurité maritime, les infrastructures numériques et la formation des élites locales. Selon un diplomate africain à Paris, « l’enjeu n’est plus militaire, il est économique et culturel. L’Afrique attend des solutions, pas des leçons ». Économie et influence : la bataille du soft power Sous la houlette de Roland Lescure à l’Économie et de Nicolas Forissier au Commerce extérieur, le gouvernement Lecornu pourrait privilégier une stratégie de compétitivité partagée, s’appuyant sur les entreprises françaises encore actives en Afrique : énergie, transport, télécommunications, agriculture durable. La nomination d’Éléonore Caroit à la Francophonie traduit aussi une volonté de reconstruire un récit d’influence autour de la langue et de l’innovation, à l’heure où le français demeure parlé par plus de 300 millions de locuteurs, dont 60 % en Afrique. « La bataille économique africaine est aussi une bataille narrative », estime un analyste en intelligence économique. « Si la France veut rester audible, elle doit redevenir utile ». Une approche sécuritaire redéfinie Le binôme Laurent Nuñez (Intérieur) – Catherine Vautrin (Armées) incarne une vision de la sécurité intégrée : lutte contre le terrorisme transnational, contrôle migratoire concerté, cybermenaces, protection des diasporas. Lecornu, ancien ministre des Armées, maîtrise les enjeux militaires africains et pourrait promouvoir une logique partenariale où la France n’agit plus seule, mais en coalition avec les acteurs régionaux et européens. Les coopérations de défense pourraient désormais s’inscrire dans le cadre d’un « pacte de stabilité africaine », fondé sur la formation, le renseignement et la sécurité des zones maritimes – en particulier dans le Golfe de Guinée. Lecornu, l’équilibriste de Matignon De retour à Matignon dans un climat de crise politique, Sébastien Lecornu hérite d’un mandat à double dimension : rétablir la confiance interne et réaffirmer la présence internationale. Ses marges de manœuvre restent étroites, mais son profil – technicien du pouvoir, connaisseur des dossiers de défense – pourrait lui permettre d’ancrer une nouvelle doctrine africaine, moins idéologique, plus stratégique. Pour les observateurs, le « moment Lecornu » pourrait marquer une transition de l’influence vers l’interdépendance, où la France chercherait non plus à dominer, mais à durer. Grille de lecture stratégique Axe Objectif Risque Opportunité Politique intérieure Stabiliser le pays, adopter le budget Blocage parlementaire Consolidation du leadership de Lecornu Diplomatie africaine Repositionner la France Rejet du récit néocolonial Coopérations régionales et francophonie économique Sécurité Mutualiser les capacités régionales Retrait symbolique perçu comme un abandon Création d’un cadre africain de sécurité partagée Économie Rééquilibrer les échanges Concurrence chinoise et turque Nouvelles filières (énergie, numérique, agro-industrie) Influence Moderniser la francophonie Perte d’attractivité culturelle Innovation, éducation et diplomatie culturelle

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Cameroun-Présidentielle 2025 : Silence stratégique d’Issa Tchiroma

Au lendemain du scrutin présidentiel du 12 octobre 2025, le Cameroun entre dans une zone d’incertitude politique. Tandis que les résultats officiels se font attendre, Issa Tchiroma Bakary, l’un des principaux prétendants à la magistrature suprême, a publié un message laconique assurant de sa sécurité. Entre silence tactique, pressions populaires et incertitudes institutionnelles, l’après-vote dessine un tournant stratégique pour le pays. Un message crypté, une posture calculée « Peuple camerounais, vous avez parlé massivement et moi, à mon tour, je m’adresserai à vous bientôt. Je suis en sécurité et en santé », a déclaré Issa Tchiroma Bakary, le 12 octobre 2025, via Facebook. Ce court message, publié au lendemain du scrutin présidentiel sur les réseaux sociaux, est la première prise de parole publique du candidat du Front pour le salut national du Cameroun (FNSC). Aucun commentaire supplémentaire, aucune revendication, mais une promesse de « s’adresser bientôt » au peuple. Un silence interprété par de nombreux analystes comme un geste de retenue stratégique dans un contexte particulièrement volatile. Des résultats attendus dans une atmosphère électrique Alors que la Commission électorale n’a encore rendu aucun résultat officiel, les premières tendances circulant sur les réseaux sociaux dessinent un paysage électoral partagé : Issa Tchiroma et le président sortant Paul Biya seraient en tête dans plusieurs régions clés. Les grandes agglomérations urbaines – Douala, Yaoundé, Bafoussam – semblent avoir fortement voté pour le changement. « Les zones urbaines regroupent près de 60 % de la population. Les tendances montrent une poussée significative pour Issa Tchiroma, reflet des aspirations au renouveau », a déclaré Ateki Seta Caxton, autre candidat en lice, tout en appelant à la prudence. Une transition risquée, une stabilité en jeu Le Cameroun, pivot géopolitique en Afrique centrale, n’a jamais connu d’alternance politique réelle depuis son indépendance. Paul Biya, au pouvoir depuis 1982, représente l’un des derniers bastions de longévité présidentielle sur le continent et dans le monde. Une éventuelle victoire de l’opposition, inédite, redessinerait les équilibres politiques, économiques et sécuritaires du pays. Dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, les revendications séparatistes et les tensions militaires persistent. Dans l’Extrême-Nord, Boko Haram reste une menace intermittente. Toute instabilité post-électorale pourrait être exploitée par ces foyers de crise. Les puissances étrangères observent en silence La communauté internationale suit le processus avec une extrême attention. L’Union africaine, la CEEAC, l’UE, les États-Unis, la Chine et la Russie ont tous déployé des observateurs. Officiellement, aucun acteur ne s’est encore prononcé, mais des diplomates en poste à Yaoundé évoquent en privé « un moment critique pour la stabilité régionale ». Selon une source diplomatique européenne :« Il s’agit d’un test de maturité démocratique. Toute manipulation des résultats pourrait engendrer une perte de crédibilité durable pour les institutions camerounaises ». Une économie en attente, un climat d’affaires sous pression En veille stratégique, les milieux d’affaires attendent. L’économie camerounaise, fragilisée par la dette (estimée à 48 % du PIB), la dépendance au pétrole, et une jeunesse massivement sous-employée, pourrait bénéficier d’un renouvellement du leadership. Mais les incertitudes actuelles retardent les décisions d’investissement. Le taux de chômage des jeunes frôle les 35 %, selon les estimations du ministère de l’Économie. Les projets dans l’agro-industrie, les transports, et l’énergie sont en pause, en attente de clarté politique. Pour les grandes entreprises opérant dans le pays, la stabilité des institutions et la transparence du processus électoral seront déterminantes. Une sortie de crise encore incertaine Les jours à venir seront cruciaux. Le message d’Issa Tchiroma n’exclut aucun scénario : contestation, reconnaissance, ou appel à un processus de transition. Sa posture actuelle semble viser à éviter l’escalade tout en renforçant sa légitimité politique. « Notre pays a trop souffert. Ce n’est pas le moment d’ajouter de nouvelles blessures », a plaidé Ateki Caxton dans un message empreint d’appel au calme. Le Cameroun au bord d’un tournant L’issue du scrutin présidentiel de 2025 pourrait marquer un basculement historique pour le Cameroun. Dans cette période de grande incertitude, où chaque mot peut peser lourd, Issa Tchiroma semble avoir choisi la stratégie du silence diplomatique. Un silence qui, en politique, vaut parfois plus qu’un discours.

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Présidentielle 2025 au Cameroun : La diaspora, sentinelle stratégique d’un scrutin à hauts risques

Alors que le Cameroun entre dans une élection marquée par les incertitudes politiques et sécuritaires, le vote paisible de la diaspora – bien que minoritaire numériquement – envoie un signal fort aux partenaires internationaux et aux investisseurs. En toile de fond : stabilité régionale, mutation politique et repositionnement géoéconomique. Dans un calme presque cérémonial, les Camerounais de la diaspora ont glissé leur bulletin dans l’urne, loin des tensions qui marquent le terrain national. « Ce geste, c’est mon message pour l’avenir du Cameroun », déclare Bertille N., électrice à Rome. Comme elle, plus de 34 000 électeurs répartis dans 38 pays ont voté, marquant une participation modeste (0,43 % des inscrits) mais hautement stratégique dans un scrutin qui, à bien des égards, dépasse les frontières du pays. Une mobilisation faible, mais hautement symbolique Avec 108 centres de vote mis en place par les ambassades camerounaises, le dispositif électoral à l’étranger s’est déroulé sans heurts majeurs. À Bruxelles, Daniel Evina Abe’e, Ambassadeur du Cameroun en Belgique, a salué « la maturité politique de notre diaspora ». À Paris, Washington ou Londres, les électeurs camerounais ont affiché leur volonté de peser dans un processus électoral dont la transparence reste cependant sujette à caution. Une élection sous tension : Paul Biya, l’épreuve de la longévité Au Cameroun, le vote s’est ouvert dans un climat sécuritaire tendu, notamment dans les régions du Nord-Ouest, du Sud-Ouest, du Nord et de l’Extrême-Nord. Malgré un déploiement militaire renforcé, des incidents isolés ont été signalés, accentuant les doutes sur la capacité de l’État à organiser un scrutin pleinement inclusif. Le président sortant Paul Biya, au pouvoir depuis 1982, brigue un huitième mandat à 92 ans. Face à lui, six candidats, dont Cabral Libii, Serge Espoir Matomba, Bello Bouba Maigari et Issa Tchiroma Bakari tentent d’incarner une alternative, bien que la marge de manœuvre de certaine- à l’exception d’Issa Tchiroma Bakari – demeurent limitées dans un appareil électoral largement contrôlé par le pouvoir. La stabilité comme argument diplomatique Dans un contexte régional miné par l’instabilité – du Sahel à la RDC, en passant par la transition au Tchad -, Yaoundé veut apparaître comme un bastion de stabilité. Ce positionnement séduit certains partenaires internationaux, soucieux de préserver un allié stratégique dans une zone où les États fragiles se multiplient. « Le Cameroun joue une carte de respectabilité institutionnelle à l’étranger, même si la scène intérieure reste verrouillée », analyse un diplomate européen. Le vote de la diaspora s’inscrit dans cette stratégie d’image, visant à rassurer bailleurs de fonds, institutions financières et acteurs sécuritaires. Enjeux économiques : l’intelligence stratégique au cœur du scrutin Au-delà de la dimension politique, l’élection présidentielle de 2025 est un test pour les acteurs de l’intelligence économique. Le Cameroun est confronté à des défis structurels : Diversification d’une économie encore dépendante des exportations primaires (pétrole, bois, cacao) ; Transition énergétique dans un pays où 60 % de l’électricité provient de l’hydroélectrique ; Lutte contre la corruption et réforme de l’environnement des affaires ; Sécurisation des investissements dans un climat régional instable. Les partenaires étrangers observent avec attention la suite du processus électoral, bien que leurs réactions demeurent mesurées pour l’instant. Une diaspora en éveil : relais de soft power et de réforme Si leur poids électoral reste marginal, les Camerounais de la diaspora représentent un levier d’influence non négligeable. Acteurs économiques, membres de la société civile ou experts internationaux, ils sont de plus en plus perçus comme des vecteurs de modernisation institutionnelle et de pression citoyenne. « Ce n’est pas seulement un vote, c’est une forme de diplomatie populaire », résume une politologue camerounaise. Face à un appareil d’État résistant aux réformes, la diaspora apparaît comme un laboratoire d’initiatives démocratiques, capable de tisser des ponts entre exigence locale et regard international. Le Cameroun au centre d’un équilibre fragile Avec près de 30 millions d’habitants et une position géographique clé en Afrique centrale, le Cameroun reste un acteur central dans les équilibres régionaux. L’évolution de sa gouvernance interne aura des répercussions au-delà de ses frontières. À court terme, l’enjeu pour le régime sera de contenir les tensions post-électorales et de préserver une façade institutionnelle stable. À moyen terme, l’alternance – ou l’absence d’alternance – influencera directement les relations avec la Chine, l’Union européenne, les États-Unis et les institutions financières multilatérales. Chiffres clés • Nombre d’électeurs au Cameroun : 8 010 464 • Nombre d’électeurs de la diaspora : 34 411 (0,43 %) • Nombre de bureaux de vote à l’étranger : 108 • Pays participants : 38 • Nombre de candidats : 12

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Présidentielle 2025 :  Le Cameroun vote, la région retient son souffle

Ce 12 octobre, plus de 8 millions d’électeurs camerounais sont appelés à voter dans un scrutin présidentiel à un seul tour. En jeu : la continuité du régime, les équilibres régionaux, et la crédibilité d’un processus politique contesté. À 92 ans, Paul Biya, l’un des plus anciens chefs d’État au monde, brigue un huitième mandat. Président depuis 1982, il reste le favori d’un scrutin organisé dans un climat d’atonie politique, marqué par une campagne minimale et une opposition fragmentée. L’organisme électoral, Elecam, a ouvert 31 000 bureaux de vote pour accueillir 8,1 millions d’électeurs, dont près de 2 millions de nouveaux inscrits. « Tout est prêt, mais c’est désormais la volonté des citoyens qui fera la différence », affirme Erick Essousse, directeur général d’Elecam. Un régime stable, mais sans alternative claire Malgré son âge, Paul Biya conserve un contrôle serré de l’appareil d’État grâce à son parti, le RDPC, omniprésent jusqu’au niveau local. L’absence d’un héritier politique désigné renforce cependant les incertitudes quant à l’avenir du pouvoir. « Le scrutin est moins une élection qu’un test de résilience d’un système à bout de souffle », note un diplomate européen. Une opposition affaiblie et divisée Dix candidats restent en lice, mais sans coordination stratégique. Cabral Libii, Joshua Osih, Issa Tchiroma Bakary, Bello Bouba Maïgari ou encore Patricia Ndam Njoya mènent des campagnes dispersées, sans dynamique unificatrice. « Le pluralisme existe, mais il ne se traduit pas en force politique crédible », analyse Alice Biloa, politologue à l’Université de Buea. Sécurité incertaine, voisinage inquiet Le vote se tient sous la menace des groupes jihadistes dans l’Extrême-Nord, et de la crise anglophone au Sud-Ouest et Nord-Ouest, où certains séparatistes appellent au boycott. Dans ces zones, la participation s’annonce faible. Autour du Cameroun, les voisins observent avec prudence : Le Tchad et la RCA redoutent des retombées sécuritaires ; Le Nigéria, préoccupé par la frontière commune, reste silencieux ; Le Gabon, le Congo et la Guinée équatoriale privilégient la stabilité. « Une instabilité à Yaoundé aurait des effets domino régionaux », avertit un analyste. Une économie sous tension Avec un PIB de 45 milliards de dollars, le Cameroun est une locomotive de la CEMAC. Les indicateurs économiques sont loin du potentiel réel. « Tant que la gouvernance ne change pas, le Cameroun restera bloqué dans une stagnation masquée », déclaré un consultant sous anonymat. Ce scrutin n’ouvre pas de compétition réelle pour le pouvoir, mais il met en lumière l’usure d’un régime et l’absence d’alternative structurée. Pour les partenaires internationaux, le défi est clair : préserver la stabilité sans cautionner l’immobilisme.

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L’Afrique, moteur stratégique du XXIe siècle : Antonio Guterres appelle à une mobilisation globale

Dans un appel diplomatique mais sans ambiguïté, António Guterres, Secrétaire général de l’ONU, a exhorté la communauté internationale à changer d’échelle dans sa relation avec l’Afrique. C’était lors du forum « Une Afrique imparable », organisé avec l’Union Africaine. Pour lui, le continent doit être reconnu non plus comme une zone à soutenir, mais comme un acteur central des équilibres économiques, énergétiques et géopolitiques du XXIe siècle. « L’Afrique recèle un potentiel immense. Il est temps de transformer cette promesse en un moteur de prospérité durable, inclusive et mondiale », a-t-il déclaré à New York. Face aux urgences démographique, climatique et sécuritaire, Guterres a tracé trois axes de transformation : Réforme systémique : l’Afrique et le nouvel ordre mondial Le discours de Guterres va au-delà des projets techniques. Il interpelle directement les règles du jeu économique mondial, affirmant que sans réforme des institutions de Bretton Woods, il sera impossible de financer cette transformation. Il a appelé à soulager la dette africaine, à éviter les crises systémiques, et surtout à accroître la représentation de l’Afrique au sein des instances de gouvernance mondiale, notamment au Conseil de sécurité de l’ONU. « Le système financier international doit refléter le monde d’aujourd’hui, pas les rapports de force du siècle dernier ». L’Afrique, enjeu stratégique global En arrière-plan, le discours souligne une vérité géostratégique : l’Afrique devient un champ de projection majeur des rivalités internationales (États-Unis, Chine, Russie, Turquie, etc.), notamment autour des ressources, des terres rares, des corridors énergétiques et du contrôle numérique. Mais au lieu de subir, le continent pourrait devenir coproducteur d’un multilatéralisme repensé, basé sur l’équité et la co-souveraineté. « Investir en Afrique n’est pas un acte de solidarité. C’est un acte de clairvoyance stratégique ».

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Sécurité, énergie, jeunesse : Paul Biya réaffirme son emprise stratégique sur le Nord

À cinq jours de la présidentielle du 12 octobre 2025, le président Paul Biya a lancé depuis Maroua un message fort : cap sur l’économie, la jeunesse et la stabilité. Dans une région stratégique et convoitée, le chef de l’État joue la carte du développement contre les vents contraires d’une opposition montante. Un chef d’État-candidat en pleine reconquête Ce 7 octobre 2025, c’est un Paul Biya résolument offensif qui a foulé le sol brûlant de Maroua, capitale politique de l’Extrême-Nord, pour y livrer un discours à double tranchant : bilan et promesses. Candidat à un huitième mandat à 92 ans, le chef de l’État a fait de cette sortie une vitrine diplomatique et électorale majeure. « Beaucoup a été fait, mais le meilleur est à venir », a-t-il lancé devant des milliers de partisans rassemblés au stade Lamido Yaya Dairou. Dans une région aussi stratégique qu’instable, marquée par les incursions de Boko Haram et un taux de pauvreté dépassant 60 %, ce déplacement n’est pas une simple formalité protocolaire. Il s’agit d’une opération de reconquête politique où se joue, en creux, la crédibilité d’un pouvoir en place depuis 43 ans. Développement, infrastructures et énergie : le triptyque du discours présidentiel En appelant à un Cameroun de « productivité et d’opportunités », Paul Biya a recentré son discours autour de l’économie réelle. L’annonce de la mise en chantier imminente des axes stratégiques Mora–Dabanga–Kousseri et Garoua-Goundéré — dans une région enclavée – vise à restaurer la connectivité territoriale, fondement de la croissance locale. Le président a également salué la montée en puissance du barrage hydroélectrique de Nachtigal et l’élargissement du réseau solaire, affirmant que « la sécurité énergétique est une condition non négociable de l’industrialisation ». Objectif : faire du septentrion un hub énergétique, logistique et agro-industriel. Selon les chiffres du ministère de l’Économie, le Cameroun a investi plus de 2 000 milliards de FCFA dans les infrastructures en dix ans, avec près de 10 700 km de routes bitumées, un chiffre cité par Paul Biya lui-même à Maroua. Sécurité et stabilité : la clé de voûte de la stratégie présidentielle Le discours présidentiel n’a pas éludé la question sécuritaire. Paul Biya a salué les « succès incontestables de nos forces de défense » face à Boko Haram. Pourtant, la région reste sous tension : plus de 734 000 personnes y vivent en insécurité alimentaire (OCHA, décembre 2024), et les récentes inondations ont affecté 459 000 autres, détruisant habitations, cultures et cheptels. Face à cette situation, le président promet une réponse intégrée : militaro-humanitaire, mais aussi économique, avec le lancement de projets agricoles et de résilience climatique. « Sans paix, pas de développement. Et sans développement, la paix reste fragile », a-t-il martelé. La jeunesse comme levier stratégique Dans un pays où plus de 70 % de la population a moins de 35 ans, la jeunesse est la cible clé de la rhétorique présidentielle. À Maroua, Paul Biya a promis la réforme du Fonds national de l’emploi, le renforcement de la formation professionnelle et la facilitation du financement des projets jeunes. « Je ne prendrai aucun repos tant que des progrès significatifs n’auront pas été réalisés », a-t-il insisté, promettant des milliers d’emplois à travers les secteurs agricoles, artisanaux et numériques. Ce message s’adresse à une jeunesse souvent marginalisée, mais électoralement décisive. Un message d’unité nationale sous tension politique Alors que les régions anglophones (Nord-Ouest et Sud-Ouest) et l’Extrême-Nord sont toujours classées zones économiquement sinistrées, le président Biya a réaffirmé « la nécessité d’un Cameroun uni, paisible, moderne et prospère ». Un message d’unité nationale lancé dans un contexte où la cohésion territoriale est mise à rude épreuve. Mais cette volonté de stabilité se heurte à une réalité politique mouvante. Deux ex-alliés poids lourds du président, Issa Tchiroma Bakary et Bello Bouba Maïgari, désormais candidats, menacent l’hégémonie du RDPC dans le Septentrion. La clameur « Tchiroma Président ! » lancée par des élèves au passage du cortège présidentiel a cristallisé un malaise latent. Un signe que la dynamique de terrain pourrait échapper au contrôle de Yaoundé. Entre soft power interne et guerre d’influence Cette visite de Paul Biya à Maroua, au-delà de sa charge symbolique, est aussi une manœuvre d’intelligence politique. Elle vise à restaurer un capital de confiance dans un électorat stratégique, à rassurer les bailleurs internationaux et à maintenir le cap d’un Cameroun attractif pour les investisseurs. Sur le plan économique, le pays dispose de réserves minières encore sous-exploitées et d’un potentiel agropastoral considérable. La stabilité politique est donc un argument central pour maintenir les investissements étrangers, en particulier chinois, français et turcs, dans les infrastructures, les mines et l’énergie. Un pari risqué mais assumé À Maroua, Paul Biya a tenté de redéfinir la campagne sur ses propres termes : bilan, sécurité, développement. Mais dans un contexte d’émergence de figures alternatives, de fractures sociales persistantes et de fatigue démocratique, la réélection du doyen des chefs d’État africains repose sur un fragile équilibre entre l’ordre établi et l’appel au renouveau. À quelques jours du scrutin du 12 octobre, le septennat promis par Paul Biya ressemble autant à une offre de continuité qu’à une démonstration de force diplomatique face à une opposition qui monte et une jeunesse en attente. Encadré – Chiffres clés :

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Les Émirats arabes unis en Afrique centrale : une stratégie d’influence ciblée, le cas du Cameroun

L’influence croissante des Émirats arabes unis (EAU) en Afrique ne se limite plus aux grandes puissances régionales ou aux zones côtières stratégiques.  L’Afrique centrale, longtemps marginalisée dans les dynamiques d’investissements globaux, devient à son tour une zone d’intérêt croissant pour Abou Dhabi. Ce recentrage géographique illustre une ambition claire : étendre leur empreinte à des régions encore peu disputées, tout en sécurisant des ressources et des leviers d’influence politique. Le Cameroun, avec sa position géostratégique entre l’Afrique de l’Ouest et centrale, attire de plus en plus l’attention émiratie. En 2024, des discussions ont été amorcées autour de projets dans les domaines portuaire, énergétique et agricole. Les Émirats envisagent notamment de moderniser des infrastructures logistiques, via DP World, et d’investir dans l’agriculture irriguée dans le Nord-Cameroun, région confrontée à l’insécurité alimentaire et aux effets du changement climatique. Ce type d’initiative renforce non seulement leur image de partenaire du développement, mais aussi leur présence dans des zones frontalières sensibles, où se jouent des enjeux de sécurité transnationale (extrémisme violent, trafics). Au niveau régional, les Émirats ont conclu en 2025 un partenariat économique global (CEPA) avec la République centrafricaine, assorti de projets miniers et d’investissements dans les infrastructures. En parallèle, des initiatives sont en préparation autour du Plan national de développement du Tchad, avec l’organisation d’une table ronde à Abou Dhabi. Cette diplomatie économique vise à positionner les Émirats comme des facilitateurs de stabilité dans une région marquée par l’instabilité politique et le désengagement progressif des bailleurs traditionnels. Sur le plan géoéconomique, ces investissements permettent aux EAU de sécuriser des chaînes d’approvisionnement critiques (or, uranium, agriculture) tout en diversifiant leurs propres relais de croissance. La région, en particulier le Cameroun, constitue un marché en expansion, encore peu saturé, et un point d’ancrage logistique entre Golfe de Guinée et zones sahéliennes. Enfin, la stratégie des Émirats s’inscrit dans un vide géopolitique croissant. Le retrait progressif de la France, la prudence de la Chine, et les limites de l’engagement américain ouvrent un espace que les Émirats investissent avec rapidité et pragmatisme. Pour les États d’Afrique centrale, notamment le Cameroun, ces partenariats offrent des opportunités financières et diplomatiques, mais posent aussi la question de la soutenabilité sociale, environnementale et politique de cette nouvelle dépendance.

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