Gabon : fin des bourses vers l’Amérique du Nord, un tournant stratégique assumé
Entre rationalisation budgétaire et souveraineté éducative, Libreville veut privilégier les partenariats Sud-Sud. Le président Brice Oligui Nguema a créé la surprise en annonçant, le 9 juillet à Washington, la suppression des bourses gabonaises pour les étudiants se rendant aux États-Unis et au Canada, à partir de la rentrée 2026. Motif invoqué : le coût élevé des études dans ces pays et la faible propension des diplômés à rentrer au pays. « Ils ne reviennent jamais », a déclaré le chef de l’État, estimant que ces investissements profitent davantage aux pays d’accueil qu’au développement national. L’annonce a suscité polémiques et inquiétudes au Gabon, notamment chez les enseignants et anciens dirigeants. « C’est une erreur stratégique », dénonce l’ancien Premier ministre Bilie By Nze, soulignant que former ses élites à l’international reste crucial pour l’avenir du pays. Le chômage des jeunes dépasse 35 %, et beaucoup peinent à trouver un emploi correspondant à leur qualification, renforçant le phénomène de fuite des cerveaux. L’Agence nationale des bourses a tenté d’adoucir la mesure en précisant que les filières stratégiques – transformation des matières premières, numérique, médecine, aéronautique – pourraient bénéficier d’exceptions ciblées. Le gouvernement justifie ce virage par une volonté de renforcer la coopération Sud-Sud, en favorisant des destinations comme le Sénégal, le Maroc ou l’Afrique du Sud, où « les étudiants reviennent », selon Brice Oligui Nguema. Déjà, près de 50 % des étudiants gabonais à l’étranger choisissent un pays africain, note Sarah Wild, consultante en orientation. Le coût moindre, les liens familiaux et la qualité académique croissante expliquent cette tendance. Mais cette réorientation soulève des questions d’équité et de compétitivité. Des voix s’élèvent pour proposer des alternatives : limiter les bourses aux meilleurs profils ou imposer un engagement de retour au pays. Pour beaucoup, la rupture avec les pôles d’excellence occidentaux ne peut être que progressive, si le Gabon veut rester dans la course mondiale de la formation des talents. Noël Ndong
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