28 juillet 2025

Gabon : fin des bourses vers l’Amérique du Nord, un tournant stratégique assumé

Entre rationalisation budgétaire et souveraineté éducative, Libreville veut privilégier les partenariats Sud-Sud. Le président Brice Oligui Nguema a créé la surprise en annonçant, le 9 juillet à Washington, la suppression des bourses gabonaises pour les étudiants se rendant aux États-Unis et au Canada, à partir de la rentrée 2026. Motif invoqué : le coût élevé des études dans ces pays et la faible propension des diplômés à rentrer au pays. « Ils ne reviennent jamais », a déclaré le chef de l’État, estimant que ces investissements profitent davantage aux pays d’accueil qu’au développement national. L’annonce a suscité polémiques et inquiétudes au Gabon, notamment chez les enseignants et anciens dirigeants. « C’est une erreur stratégique », dénonce l’ancien Premier ministre Bilie By Nze, soulignant que former ses élites à l’international reste crucial pour l’avenir du pays. Le chômage des jeunes dépasse 35 %, et beaucoup peinent à trouver un emploi correspondant à leur qualification, renforçant le phénomène de fuite des cerveaux. L’Agence nationale des bourses a tenté d’adoucir la mesure en précisant que les filières stratégiques – transformation des matières premières, numérique, médecine, aéronautique – pourraient bénéficier d’exceptions ciblées. Le gouvernement justifie ce virage par une volonté de renforcer la coopération Sud-Sud, en favorisant des destinations comme le Sénégal, le Maroc ou l’Afrique du Sud, où « les étudiants reviennent », selon Brice Oligui Nguema. Déjà, près de 50 % des étudiants gabonais à l’étranger choisissent un pays africain, note Sarah Wild, consultante en orientation. Le coût moindre, les liens familiaux et la qualité académique croissante expliquent cette tendance. Mais cette réorientation soulève des questions d’équité et de compétitivité. Des voix s’élèvent pour proposer des alternatives : limiter les bourses aux meilleurs profils ou imposer un engagement de retour au pays. Pour beaucoup, la rupture avec les pôles d’excellence occidentaux ne peut être que progressive, si le Gabon veut rester dans la course mondiale de la formation des talents. Noël Ndong

Gabon : fin des bourses vers l’Amérique du Nord, un tournant stratégique assumé Read More »

Afrique subsaharienne : la suspension de VOA rebat les cartes de l’écosystème médiatique

Entre vide informationnel local et recomposition stratégique mondiale, l’arrêt de Voice of America interroge sur la place des médias internationaux dans les démocraties fragiles. La suspension en mars 2025 des programmes de Voice of America (VOA) en Afrique subsaharienne marque une rupture symbolique et opérationnelle dans le paysage médiatique du continent. Radio publique américaine diffusant depuis 62 ans en Afrique, VOA avait tissé un réseau de plus de 1 000 partenariats avec des radios communautaires, fournissant des contenus multilingues, des formations et une couverture régionale souvent perçue comme équilibrée. « Dans certaines régions, VOA offrait un contrepoids aux récits officiels, tout en maintenant une ligne éditoriale respectueuse des équilibres locaux », estime un chercheur au Centre africain des médias de Dakar. Cependant, la suspension — justifiée à Washington par des impératifs budgétaires et des réformes internes — ne signifie pas nécessairement un abandon de l’Afrique. Des consultations seraient en cours au sein de l’administration américaine pour redéfinir les priorités de la diplomatie publique, dans un contexte où les budgets de l’aide extérieure font l’objet de tensions croissantes. Radios communautaires sous pression, mais pas sans alternatives Dans des pays comme la RDC, le Niger ou le Zimbabwe, l’absence de programmes VOA a temporairement désorganisé les grilles de certaines stations. Des journalistes ont été remerciés, et des créneaux sont restés vacants. Mais dans d’autres cas, des initiatives locales ont émergé pour combler le vide : partenariats avec des ONG, relance de contenus produits localement, ou montée en puissance d’acteurs régionaux comme la BBC Afrique, RFI, ou des radios panafricaines. « VOA n’était pas la seule source d’information fiable. Elle était importante, mais son retrait oblige à repenser la production locale et la formation des journalistes », nuance un directeur de station communautaire au nord du Cameroun. Enjeux géopolitiques : vers une recomposition du soft power L’arrêt de VOA intervient dans un moment de recomposition du paysage médiatique mondial. La montée en puissance de médias non-occidentaux comme CGTN (Chine), Sputnik (Russie) ou TRT Afrique (Turquie) redéfinit les équilibres d’influence. Dans ce contexte, certains observateurs estiment que la fin de la diffusion VOA pourrait, à terme, stimuler la diversification des voix médiatiques sur le continent, y compris celles issues de la société civile africaine. « L’Afrique a longtemps été une terre de réception médiatique. C’est peut-être l’occasion d’encourager une souveraineté éditoriale plus affirmée », analyse une experte des médias au CODESRIA (Sénégal). Noël Ndong

Afrique subsaharienne : la suspension de VOA rebat les cartes de l’écosystème médiatique Read More »

L’Afrique entre deux drapeaux : coopération stratégique ou rivalité larvée ?

Paris et Londres tentent de réactiver une entente africaine malgré le passif colonial et le choc du Brexit. Longtemps marquées par une rivalité historique ancrée dans les mémoires coloniales, les relations entre la France et la Grande-Bretagne sur le continent africain semblent osciller entre coopération stratégique et tensions latentes. Le sommet franco-britannique de 2023 a ravivé l’idée d’un partenariat renouvelé. Les deux puissances se sont engagées à intensifier leurs efforts conjoints, notamment au Sahel, dans la Corne de l’Afrique et dans les Grands Lacs, en réponse aux défis sécuritaires, climatiques et migratoires croissants. Pourtant, les promesses actuelles peinent à effacer un passé conflictuel. L’incident de Fachoda en 1898 symbolise encore le traumatisme français face à la domination britannique. L’Entente cordiale de 1904 mit un terme officiel aux tensions, mais le « syndrome de Fachoda » – Cette méfiance viscérale face à l’influence anglophone en Afrique francophone – persiste aujourd’hui sous d’autres formes. Durant la Guerre froide et les décennies postcoloniales, Paris et Londres ont souvent adopté des stratégies divergentes : aide liée à leurs intérêts économiques, appui à des modèles de gouvernance opposés – interventionnisme français contre pragmatisme britannique – et peu de volonté de convergence sur les priorités africaines. Aujourd’hui, dans un contexte post-Brexit et face à une reconfiguration multipolaire de l’Afrique, la nécessité d’un front commun face à la montée de la Chine, de la Russie et des puissances régionales (Turquie, Émirats arabes unis) pourrait forcer la main à Paris et Londres. La possible réélection de Donald Trump en 2025, avec son désengagement du multilatéralisme, pousse également les Européens à repenser leur autonomie stratégique, notamment en Afrique. Toutefois, les analystes restent prudents : « L’Afrique reste un terrain de compétition feutrée, plus que de coopération sincère », résume un diplomate ouest-africain. La vraie question reste entière : coopérer pour rester pertinents ou s’effacer derrière de nouvelles puissances ? Noël Ndong

L’Afrique entre deux drapeaux : coopération stratégique ou rivalité larvée ? Read More »

Visa américain : deux mois sous haute tension pour l’Afrique

Entre quotas en surchauffe et échéances fatales, août et septembre 2025 s’annoncent décisifs pour les lauréats de la loterie et les travailleurs qualifiés africains. Le département d’État américain vient de publier ses dispositions migratoires pour août et septembre 2025, confirmant une fin d’année fiscale explosive, en particulier pour les Africains inscrits au programme Diversity Visa (DV) et les travailleurs qualifiés (EB). La fenêtre reste ouverte pour les lauréats de la loterie DV-2025, avec un quota africain inédit de 50 000 visas en août, porté à 58 500 en septembre. Une priorité assumée, mais menacée par l’échéance rigide du 30 septembre, date limite de validation des dossiers. Le département d’État alerte : « La disponibilité des visas DV jusqu’à la fin de l’exercice fiscal ne peut pas être garantie. Les numéros pourraient être épuisés avant le 30 septembre ». Cameroun et Afrique centrale : une opportunité sous pression Dans cette dynamique, le Cameroun et les pays d’Afrique centrale (Congo, RDC, Tchad, Gabon, Centrafrique, Guinée équatoriale) figurent parmi les bénéficiaires silencieux mais structurants du programme DV. Le Cameroun a reçu environ 3 200 sélections DV-2025, selon les données internes, ce qui le place dans la tranche haute des pays francophones africains. Toutefois, la capacité administrative à finaliser les dossiers (rendez-vous, examens médicaux, documents de soutien) reste un frein systémique dans la sous-région. Des retards structurels au niveau des consulats américains de Yaoundé et Kinshasa aggravent la tension liée à l’échéance du 30 septembre. Un cadre consulaire résume : « La demande est forte, mais les créneaux consulaires ne suivent pas toujours. L’année 2025 sera tendue jusqu’au bout pour le Cameroun ». En parallèle, les travailleurs qualifiés camerounais (EB-2, EB-3) sont directement exposés à la rétrogression annoncée par Washington. Le recul de la date de traitement des dossiers EB-2 Monde exclut temporairement une partie des candidats, et fait planer le risque d’un gel complet des catégories EB en septembre. Afrique centrale sous-représentée mais stratégique L’Afrique centrale bénéficie encore de quotas non plafonnés au niveau national, offrant une marge de manœuvre précieuse, mais vulnérable face à la saturation globale. La sous-région a un rôle stratégique dans la dynamique migratoire afro-américaine, notamment via sa diaspora anglophone et francophone active dans les secteurs de santé, transport, logistique et services.  « Si la demande se concentre sur le Maghreb, l’Afrique centrale représente une réserve de main-d’œuvre qualifiée plus stable à long terme. Mais sans investissement dans les capacités consulaires locales, cette opportunité restera sous-exploitée », explique un expert en intelligence migratoire à Washington. Vers une gestion plus restrictive ? Outre les limites techniques, la rétrogression des visas EB-2 et la menace de rendre indisponibles les catégories EB-3 et EW sont des signaux forts d’un modèle d’immigration américain sous tension structurelle. Le risque ? Un gel temporaire des arrivées de profils qualifiés dans des secteurs en pénurie (santé, tech, BTP). Une perspective préoccupante pour le Cameroun, dont une part croissante des diplômés vise l’émigration légale vers les États-Unis. Noël Ndong

Visa américain : deux mois sous haute tension pour l’Afrique Read More »

Ciel africain sous pression : quand la fiscalité freine la connectivité du continent

L’Afrique vole à contre-courant. Alors que le monde investit dans la fluidité du transport aérien pour stimuler commerce, diaspora et tourisme, une étude de l’AFRAA (Association des Compagnies Aériennes Africaines) révèle que plusieurs pays africains étranglent leur ciel sous le poids de taxes et redevances excessives. Le constat est sans appel : le Gabon (297,7 $) et la Sierra Leone (294 $) imposent les plus fortes charges aériennes du continent, loin devant la moyenne africaine (68 $). Neuf des dix pays les plus chers se situent en Afrique de l’Ouest et centrale, soulignant une fracture géoéconomique inquiétante. À l’inverse, la Libye (1,3 $), le Malawi (5 $) ou encore l’Algérie (9,8 $) offrent des conditions bien plus compétitives. Enjeu stratégique : la compétitivité régionale. Ces déséquilibres minent les efforts d’intégration régionale et de ZLECAf. Le surcoût des billets dissuade les compagnies internationales, affaiblit les flux touristiques et restreint la mobilité intra-africaine. Paradoxalement, les régions les plus fiscalement agressives génèrent le moins de trafic aérien. Un modèle économique à revoir Le rapport accuse plusieurs États d’utiliser la fiscalité aérienne pour boucher leurs déficits budgétaires, au mépris des principes de l’OACI (transparence, proportionnalité, consultation). Cette approche non soutenable pénalise l’ensemble du secteur : le continent perd chaque année des milliards de dollars en opportunités économiques. Des réformes urgentes L’Afrique du Nord, avec des redevances faibles et une forte connectivité, incarne une alternative viable. La réussite de hubs comme Casablanca, Le Caire ou Alger montre que croissance et fiscalité modérée peuvent coexister. L’aviation devrait être un levier de développement, non un luxe. Sans harmonisation continentale des taxes aériennes, l’Afrique risque de rester au sol dans la course à la mobilité globale. Les États doivent choisir : perpétuer un modèle court-termiste ou libérer leur ciel pour une croissance durable. Noël Ndong

Ciel africain sous pression : quand la fiscalité freine la connectivité du continent Read More »

Scroll to Top