8 août 2025

Issa Tchiroma Bakary : « Le Cameroun traverse une période critique » – entre alerte, repositionnement et calcul politique

Candidat à la présidentielle du 12 octobre 2025, l’ancien ministre et président du Front pour le salut national du Cameroun (FSNC), Issa Tchiroma Bakary, adopte un ton grave dans un clip à la tonalité résolument politique. « Le Cameroun traverse l’une des périodes les plus critiques de son histoire ». Ancien porte-parole du gouvernement et figure connue du paysage politique camerounais, Issa Tchiroma semble amorcer une inflexion dans son discours -sans rompre totalement avec un système qu’il connaît intimement. Il affirme aujourd’hui que « le peuple ne demande plus de promesses, mais une transition ordonnée, responsable et réaliste », se positionnant à la croisée des chemins entre loyauté institutionnelle et volonté de réforme. Une déclaration forte, mais à replacer dans son contexte Si ses propos peuvent apparaître comme une forme d’autocritique, ils ne constituent pas pour autant une condamnation frontale du pouvoir en place. Ancien ministre de la Communication et de l’Emploi, Tchiroma a longtemps défendu les décisions du président Paul Biya, notamment en période de crise. Il se distingue aujourd’hui par un discours davantage tourné vers la nécessité de stabiliser le pays tout en le réformant de l’intérieur. « J’ai vu le système de l’intérieur », affirme-t-il,  une déclaration qui peut à la fois séduire ceux qui appellent à des réformes pragmatiques, et nourrir la méfiance de ceux qui voient en lui un homme du sérail en quête de recyclage politique. Transition ou repositionnement ? Issa Tchiroma se garde d’appeler à une rupture brutale. Son usage du terme « transition ordonnée » semble au contraire indiquer une volonté de rassurer : les institutions doivent évoluer, mais sans fracture. Cette approche, prudente, peut refléter une lecture stratégique du contexte actuel, dans un pays marqué par une instabilité croissante et une aversion profonde au chaos. Ce positionnement intermédiaire,  ni totalement dans l’opposition, ni dans la continuité stricte , peut être perçu comme une tentative de recentrage, dans un environnement politique où les extrêmes peinent à convaincre l’ensemble de l’électorat. Un pays sous tension, mais pas à la dérive La déclaration d’Issa Tchiroma s’inscrit dans un contexte national complexe : conflit toujours actif dans les régions anglophones, difficultés économiques, jeunesse désabusée, déséquilibres sociaux croissants. Pour autant, les institutions fonctionnent, l’armée reste loyale, et la macroéconomie demeure relativement stable, selon les dernières données du FMI. Ainsi, parler de « période critique » n’est pas inexact, mais doit être mis en regard d’une résilience structurelle encore tangible, notamment dans les centres de pouvoir et d’administration. Une candidature qui interroge La candidature de  Issa Tchiroma soulève plusieurs questions : incarne-t-il une réelle volonté de réforme, ou cherche-t-il à capter un électorat centriste fatigué par le statu quo mais inquiet de l’inconnu ? À ce jour, il n’a pas présenté de programme détaillé, ni proposé de coalition ou alliance électorale. En l’absence de positionnement plus affirmé, sa candidature pourrait souffrir d’un manque de clarté, à mi-chemin entre continuité et renouveau. Une dynamique à suivre À l’échelle géopolitique, la stabilité du Cameroun reste une priorité pour ses partenaires, en particulier la France, les États-Unis et la Chine, présents économiquement et diplomatiquement. Une candidature comme celle de Issa Tchiroma, modérée, expérimentée, institutionnelle, pourrait, à terme, être perçue comme une voie de sortie progressive du modèle actuel, à condition qu’elle s’accompagne de propositions concrètes et d’un discours plus affirmé. Sans programme clair, ni rupture réelle avec les pratiques du passé, sa démarche reste pour l’instant ambiguë, voire tactique. Il pourrait néanmoins peser dans le débat présidentiel, notamment si les tensions sociales s’aggravent ou si l’opposition peine à incarner une alternative crédible.

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Déchets au Cameroun : Une dette publique de 7,7 milliards FCFA asphyxie le système de collecte

Alors que Yaoundé étouffe sous les ordures, l’État camerounais reste redevable de 7,7 milliards FCFA à Hysacam, principal opérateur de collecte des déchets. Une dette persistante qui illustre les limites structurelles d’un modèle de gestion urbaine en crise. « Sans moyens, il n’y a pas de salubrité« , déclare un haut responsable d’Hysacam. Depuis un an, le montant de la dette que l’État camerounais doit à l’entreprise – 7,7 milliards FCFA selon la Caisse autonome d’amortissement (CAA) – est resté inchangé, au détriment de la capacité opérationnelle du groupe et de la propreté urbaine. Présente dans les principales villes du pays depuis plus de 30 ans, Hygiène et salubrité du Cameroun (Hysacam) fait aujourd’hui face à des retards de paiement chroniques, une trésorerie affaiblie, et une incapacité à renouveler ou entretenir son parc de camions – au moment même où les déchets s’amoncellent dans la capitale. Une crise systémique : plus qu’un défaut de paiement En février 2024, la Communauté urbaine de Yaoundé (CUY) a tenté de contourner le monopole historique d’Hysacam en introduisant un second opérateur, Thychlof Sarl. Mais le problème est structurel, non concurrentiel. Selon Hysacam, multiplier les prestataires sans corriger les déficits de financement revient à répéter les erreurs à plus grande échelle. « Même à trois ou quatre entreprises, le manque de fonds condamnera tout le système », alertait un cadre d’Hysacam début 2024. En principe, les collectivités territoriales décentralisées (CTD) sont les maîtres d’ouvrage. Mais 85 % des paiements proviennent en réalité du Trésor public, lequel fonctionne sous la contrainte du compte unique du Trésor, retardant les décaissements. « Vous pouvez avoir des crédits votés, mais aucune disponibilité réelle à cause des tensions de trésorerie », rappelait en 2024 Luc Messi Atangana, maire de Yaoundé. Un besoin de 15 milliards, une réponse divisée par deux Selon Jean Pierre Ymele, directeur général d’Hysacam, le coût réel d’une collecte efficace à Yaoundé s’élève à 15 milliards FCFA par an. Or, moins de la moitié est effectivement mobilisée, souvent avec plusieurs mois de retard. Résultat : véhicules immobilisés, salaires différés, fréquence de collecte en baisse. Pour maintenir un service minimum, l’entreprise a dû s’endetter. En avril 2025, elle a levé 5 milliards FCFA auprès d’Afriland First Bank pour acquérir 80 camions, dont seulement 20 ont été livrés à ce jour. Le contrat prévoit 50 camions pour Yaoundé, mais il en faudrait 150 à 200 selon les estimations internes. Une taxe aux résultats incertains Instauré en 2019, un droit d’accise spécial de 0,5 % sur les marchandises importées devait pérenniser le financement de la collecte. Pourtant, les retards de reversement par la douane, via le Feicom, limitent son efficacité. La taxe peine à atteindre les objectifs affichés et ne stabilise pas les finances locales. Une crise locale, un défi national Si Yaoundé cristallise l’attention, le problème est généralisé. Partout où Hysacam opère – Douala, Bafoussam, Garoua… – les effets sont les mêmes : salaires non versés, matériel obsolète, services ralentis. Le renouvellement des contrats en mars 2025, après une longue période d’incertitude, n’a pas permis de redresser la situation. Les documents contractuels restent inaccessibles au public, et les montagnes d’ordures visibles dans les rues en disent plus que les rapports administratifs. Tant que la dette ne sera pas résorbée et qu’un financement stable ne sera pas garanti, aucun prestataire ne pourra inverser la tendance. La crise actuelle dans la gestion des déchets à Yaoundé est moins un problème logistique qu’un révélateur d’un système budgétaire et institutionnel défaillant.

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