août 2025

Cameroun : le rejet de la requête déclarant Paul Biya inéligible

Alors que la présidentielle du 12 octobre approche, le Conseil constitutionnel camerounais a rejeté la requête déposée par Me Akere Muna, candidat déclaré, visant à faire constater l’inéligibilité du président sortant Paul Biya. Ce dernier, âgé de 92 ans et au pouvoir depuis 1982, brigue un huitième mandat. Si la décision n’est pas surprenante au regard du cadre juridique actuel, elle soulève des interrogations sur l’état du droit électoral, le fonctionnement institutionnel et la perception de l’équité démocratique au Cameroun. Une requête politiquement audacieuse mais juridiquement fragile Dans son recours, Akere Muna invoquait l’inaptitude présumée de Paul Biya à gouverner, soulignant son âge avancé et sa faible visibilité publique. Il faisait notamment appel à l’article 118 du code électoral, qui prévoit qu’un candidat peut être déclaré inéligible s’il se trouve sous l’influence ou la dépendance d’un tiers ou d’une puissance étrangère. Mais le Conseil constitutionnel a estimé que les éléments apportés ne constituaient pas une preuve suffisante d’une telle dépendance. Aucun certificat médical, ni élément factuel concret ne permettait d’établir un empêchement juridique à la candidature du président sortant. Juridiquement, la Constitution camerounaise ne prévoit ni limite d’âge ni évaluation médicale obligatoire pour les candidats à la présidence. Le cadre légal laisse donc peu de marge pour une exclusion sur la base de l’âge ou de la capacité physique, à moins d’une procédure médicale officielle – qui reste absente du droit en vigueur. Une décision conforme à la loi, mais pas sans débats Le rejet de la requête est cohérent avec les textes en vigueur, mais il illustre aussi les limites du système électoral camerounais, où le droit reste peu adapté aux préoccupations modernes sur la gouvernance, la transparence et la responsabilité. Selon plusieurs observateurs, le recours d’Akere Muna visait surtout à ouvrir un débat public sur la légitimité démocratique du pouvoir en place. Dans ce sens, même rejetée, sa démarche a permis de ramener sur le devant de la scène des questions essentielles : l’alternance, la vitalité institutionnelle, l’état de santé des dirigeants, ou encore l’aptitude des juges constitutionnels à exercer leur mission de manière indépendante. Pour certains juristes, la décision du Conseil reflète la prédominance du formalisme juridique sur les considérations d’intérêt public, tandis que d’autres soulignent le risque de dérive si l’on permettait des exclusions de candidature sur des critères subjectifs ou politiques. Entre statu quo institutionnel et expression d’un malaise politique Cette affaire révèle surtout un clivage profond entre la légalité et la légitimité, entre un système qui fonctionne selon les règles établies, et une opinion publique qui aspire à plus de transparence, de renouvellement et de contrôle démocratique. L’âge de Paul Biya, son style de gouvernance très discret, et l’absence apparente de préparation à la succession renforceraient l’idée d’un pouvoir verrouillé, peu perméable à la critique, selon certains. D’un autre côté, ses partisans insistent sur la stabilité politique qu’il incarne, sur son droit à se présenter comme tout citoyen, et sur le rôle du peuple souverain dans le choix de ses dirigeants – à travers les urnes, non les tribunaux. Un moment révélateur à quelques semaines d’un scrutin crucial Le rejet de la requête d’Akere Muna ne constitue pas un événement juridique exceptionnel, mais il marque un moment politique significatif dans une élection aux enjeux élevés. Il interroge la place des institutions dans la régulation du pouvoir, la capacité de l’opposition à se faire entendre, et l’état général du débat démocratique dans un pays où l’alternance n’a jamais été vécue au sommet de l’État. La présidentielle de 2025 s’annonce comme un test pour la crédibilité du processus électoral, autant que pour la résilience d’un système en proie aux critiques mais toujours solidement ancré. La controverse reste la seule façon pour l’opposition de rester visible  – même si cela ne modifie pas l’issue judiciaire.

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Boko Haram/Cameroun : une coopération régionale permet la libération de dix enfants

Une opération conjointe menée par les forces du Cameroun, du Nigeria et du Tchad a permis la libération de dix enfants enlevés par des éléments présumés de Boko Haram dans l’Extrême-Nord camerounais. Un adolescent n’a pas survécu à la captivité. Une semaine après leur enlèvement, dix enfants camerounais ont été libérés ce jeudi dans la région de l’Extrême-Nord, à la suite d’une opération conjointe menée par les forces armées et de sécurité du Cameroun, du Nigeria et du Tchad, appuyées par la Force multinationale mixte (FMM). Selon le gouverneur de la région, les enfants avaient été kidnappés le 13 août alors qu’ils se trouvaient à bord d’un bus assurant la liaison entre Kousseri et Maroua, sur la route nationale N°1. L’attaque a été attribuée à des membres présumés de Boko Haram, un groupe islamiste actif depuis plus d’une décennie autour du bassin du lac Tchad. Les enfants ont été retrouvés vivants à environ vingt kilomètres de la frontière nigériane, mais un adolescent enlevé au même moment a malheureusement été tué par les ravisseurs, ont précisé les autorités locales. Une coordination régionale en progrès Cette libération marque un succès important pour la coopération régionale contre Boko Haram. La Force multinationale mixte, qui regroupe les armées du Cameroun, du Nigeria, du Tchad et du Niger, a renforcé ses opérations transfrontalières dans les zones reculées du lac Tchad, où le groupe djihadiste reste actif malgré des revers militaires répétés. L’efficacité de cette dernière opération met en lumière la montée en puissance des mécanismes de coordination entre les forces armées des trois pays directement concernés, dans une région où les frontières poreuses facilitent les mouvements des groupes armés. L’Extrême-Nord toujours sous pression Depuis 2014, la région de l’Extrême-Nord du Cameroun reste l’un des points chauds du conflit contre Boko Haram, avec des centaines d’attaques, de kidnappings et de déplacements forcés. Bien que l’activité du groupe ait diminué par rapport à son pic, il conserve une capacité de nuisance importante, notamment via des cellules locales opérant de manière mobile. Les enlèvements d’enfants et de civils restent une stratégie de terreur utilisée pour obtenir rançons, recruter de force ou déstabiliser les communautés locales. Une dynamique à maintenir La récente opération de libération montre que la réponse militaire régionale peut porter ses fruits lorsqu’elle est rapide, coordonnée et appuyée par des échanges d’information efficaces. Mais les analystes sécuritaires soulignent que la seule dimension militaire ne suffira pas à éradiquer durablement l’insurrection islamiste. La stabilisation de la région exige aussi des programmes de développement, de réinsertion des ex-combattants et de renforcement de l’État dans les zones rurales marginalisées où Boko Haram recrute. La libération des enfants est un motif de soulagement, mais elle rappelle aussi la fragilité persistante des zones frontalières du bassin du lac Tchad. La consolidation des acquis sécuritaires passera par une approche régionale intégrée, mêlant sécurité, développement et résilience communautaire. Lutte contre Boko Haram : Chronologie synthétique opérations régionales 🔹 2015 – Création de la Force multinationale mixte (FMM) 🔹 2015 – Opération « Lafiya Dole » (Nigeria) 🔹 2016 – Offensive conjointe Nigéria–Cameroun–Tchad 🔹 2017 – Début des opérations transfrontalières coordonnées 🔹 2020 – « Colère de Bohoma » (Tchad) 🔹 2021 – Mort d’Abubakar Shekau 🔹 2022 – Reprise des opérations dans les zones insulaires du lac Tchad 🔹 2023 – Offensive autour de Kukawa (Nigeria) 🔹 Août 2024 – Opération transfrontalière « Shara » 🔹Août 2025 – Libération de dix enfants au Cameroun

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Cartographier autrement : l’Afrique défie l’héritage Mercator

En soutenant officiellement la campagne “Correct the Map”, l’Union africaine engage une offensive symbolique et géopolitique majeure. Objectif : redonner au continent sa juste représentation spatiale – et narrative – face aux distorsions héritées de l’époque coloniale. C’est une revendication cartographique, mais aux implications politiques profondes. L’Union africaine (UA) a annoncé son soutien à la campagne “Correct the Map”, qui exige le remplacement de la projection Mercator – omniprésente dans les atlas, les systèmes de navigation et les salles de classe – par la projection Equal Earth, plus fidèle aux proportions réelles des continents. Au cœur de ce plaidoyer : la réhabilitation visuelle, mentale et stratégique du continent africain, longtemps relégué à la marge – littéralement – sur les planisphères du monde. « Ce n’est pas une affaire de simple représentation, mais une question de souveraineté cognitive, de dignité et d’influence », affirme Selma Malika Haddadi, vice-présidente de la Commission de l’UA. Une distorsion historique, aux effets contemporains Créée en 1569, la projection de Gerardus Mercator a été pensée pour faciliter la navigation maritime. Mais cette carte allonge les terres proches des pôles et réduit celles de l’équateur, écrasant l’Afrique visuellement. Résultat : le Groenland paraît aussi grand que l’Afrique, alors qu’il est 14 fois plus petit. L’Europe et l’Amérique du Nord sont surdimensionnées. L’Afrique, visuellement diminuée, est aussi géopolitiquement marginalisée. Selon Fara Ndiaye, cofondatrice de Speak Up Africa, cette distorsion n’est pas neutre : « Elle alimente un imaginaire où l’Afrique est périphérique, inférieure. Cela commence dès l’enfance, à l’école ». Equal Earth : vers une carte plus juste Face à cela, des géographes américains ont mis au point en 2018 Equal Earth, une projection pseudo-cylindrique qui respecte la surface réelle des continents, sans sacrifier leur lisibilité. Déjà adoptée par la Banque mondiale, elle est soutenue par des acteurs africains comme Africa No Filter, qui militent pour son intégration dans l’éducation, les institutions et les interfaces numériques. La campagne vise aussi Google, qui continue d’utiliser Mercator par défaut sur mobile, malgré l’introduction du globe 3D sur desktop. « Il est temps que les outils numériques reflètent un monde équitable », souligne Moky Makura, directrice exécutive d’Africa No Filter. Cartes mentales, cartes de pouvoir La bataille cartographique est aussi une bataille de récit mondial. L’UA inscrit ce combat dans une dynamique plus large : restitution des biens culturels, débats sur les réparations coloniales, réforme des instances internationales (Conseil de sécurité de l’ONU, FMI, Banque mondiale). Changer la carte, c’est changer le centre de gravité symbolique. Car la carte façonne le regard, influence les politiques éducatives, médiatiques, diplomatiques. « Il ne s’agit pas de recentrer l’Afrique par orgueil, mais de corriger un déséquilibre structurel dans les outils de connaissance et de représentation », analyse un conseiller de la Commission UA. Un enjeu stratégique dans un monde en recomposition À l’horizon 2050, l’Afrique comptera près de 2,5 milliards d’habitants – soit un humain sur quatre. Riche en ressources critiques, au cœur des enjeux migratoires, énergétiques et climatiques, le continent attire les appétits : Chine, Russie, Turquie, puissances du Golfe et Occident y redoublent d’activisme. L’UA, en renforçant sa diplomatie du soft power, cherche à peser davantage dans l’agenda mondial. Ce changement de carte pourrait ainsi renforcer la posture stratégique de l’Afrique dans les négociations globales. Un petit pas symbolique, mais un levier d’influence majeur. Une demande portée jusqu’à l’ONU La campagne “Correct the Map” a officiellement saisi le Comité d’experts UN-GGIM (ONU) sur l’information géospatiale, qui examine actuellement la possibilité d’une recommandation mondiale sur les projections cartographiques. De plus en plus d’universitaires, ONG et diplomates hors d’Afrique appuient ce plaidoyer. Dans un monde où les cartes restent des instruments de pouvoir, décoloniser la représentation du globe devient un acte stratégique autant que pédagogique. « La carte est une arme silencieuse. L’Afrique demande simplement qu’on en change la mire », conclut un diplomate ouest-africain.

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Afrique-Qatar : une offensive à 300 milliards pour redessiner les alliances stratégiques

Doha déploie ses ambitions sur le continent africain avec une tournée diplomatique et économique sans précédent. Cheikh Al Mansour Bin Jabor Bin Jassim Al Thani, envoyé spécial de l’émir, propose des investissements massifs dans dix pays, avec à la clé une redistribution des cartes géopolitiques, économiques et sécuritaires. Le Qatar change de dimension en Afrique. Si l’émirat du Golfe a longtemps cmlultivé un rôle de médiateur discret sur le continent, il franchit aujourd’hui un cap stratégique avec une promesse d’investissements colossaux : 300 milliards de dollars, dont une large partie sera dirigée vers l’Afrique à travers le conglomérat Al-Mansour Holding. À sa tête : Cheikh Al Mansour Bin Jabor Bin Jassim Al Thani, cousin de l’émir Tamim Ben Hamad Al Thani, homme de confiance et stratège de cette nouvelle « diplomatie d’influence ». Une tournée historique et ciblée Lancée le 13 août 2025, la tournée diplomatique et économique de Cheikh Al Mansour traverse dix pays stratégiques d’Afrique centrale, australe et orientale : RDC, Zambie, Tanzanie, Angola, Botswana, Burundi, Gabon, Mozambique, Zimbabwe et Centrafrique. Ces États ont en commun une richesse en ressources critiques (cobalt, cuivre, lithium, pétrole, gaz, terres rares) essentielles à la transition énergétique mondiale. « Notre objectif est clair : bâtir des ponts durables entre Doha et l’Afrique sur la base d’un partenariat mutuellement bénéfique », a déclaré Cheikh Al Mansour lors de son escale à Lusaka. Des chiffres qui marquent Dans tous les pays visités, les promesses incluent le transfert de compétences, la création d’emplois locaux et le développement de synergies logistiques avec Qatar Airways ou d’infrastructures aéroportuaires, sur le modèle du partenariat avec le Rwanda. Une triangulation d’influences Si cette initiative économique semble purement commerciale, elle s’inscrit dans un jeu géopolitique et sécuritaire plus large, où Doha cherche à prendre une place que la Chine, les États-Unis, les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite convoitent aussi. Le Qatar s’appuie ici sur une double approche : Selon un analyste du Geopolitical Futures Forum, « le Qatar s’inscrit dans une stratégie d’influence structurelle, là où les autres acteurs se positionnent souvent dans l’urgence ou la captation rapide des ressources ». Rivalités dans le Golfe et nouvelles routes de la puissance En arrière-plan, cette offensive économique reflète les tensions entre monarchies du Golfe, notamment avec les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite, déjà très actives en Afrique. Le Qatar, conscient de la finitude de ses ressources fossiles, accélère sa diversification et tente de créer des dépendances croisées durables sur un continent encore sous-capitalisé mais riche en ressources. Doha ne cache plus son ambition : devenir un acteur mondial de premier plan en combinant puissance financière, diplomatie d’influence et stratégie d’alliances durables. Vers un « moment Qatar » en Afrique ? Cette tournée historique pourrait bien marquer le début d’un réalignement des puissances économiques en Afrique. Le Qatar, petit par sa taille mais ambitieux dans sa vision, entend durablement ancrer son empreinte sur un continent stratégique. Si les promesses se traduisent en projets concrets, Doha pourrait devenir un partenaire incontournable de l’Afrique post-Covid et post-pétrole, en rupture avec les logiques extractivistes classiques.

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Ruptures avec le FMI : révélateur multidimensionnel des vulnérabilités africaines

La liste publiée le 12 août 2025 par le FMI sur les retards prolongés dans les consultations au titre de l’article IV expose bien plus qu’un simple non-respect de procédures. Elle révèle des fragilités systémiques, où la gouvernance économique, la stabilité politique, la sécurité nationale et les dynamiques géopolitiques s’entrecroisent. Cinq pays africains – Soudan, Érythrée, Tunisie, Libéria et Sénégal – y figurent. Leur exclusion de fait du circuit de financement multilatéral illustre une crise de confiance aux conséquences profondes. Sur le plan géopolitique, la rupture du dialogue avec le FMI reflète souvent une marginalisation diplomatique. L’Érythrée, coupée de tout processus d’évaluation depuis 2019, s’est installée dans une posture de repli stratégique. Le Soudan, englué dans une guerre civile depuis 2020, voit sa désintégration sécuritaire se traduire par une paralysie institutionnelle complète. Dans ces cas, l’absence de sécurité nationale devient un obstacle structurel au dialogue international. La dimension géoéconomique est tout aussi centrale. Le Sénégal, pourtant présenté comme un modèle de stabilité jusqu’en 2023, illustre la fragilité des architectures financières africaines : la découverte de dettes cachées (7 milliards USD) a suffi à suspendre les programmes du FMI, témoignant de l’impact de la transparence budgétaire sur la crédibilité financière. Le Liberia, quant à lui, montre que les transitions politiques peuvent momentanément désorganiser l’appareil administratif sans nécessairement compromettre la reprise du dialogue, à condition de restaurer rapidement la stabilité post-électorale. Cette situation prend une résonance particulière en Afrique centrale, région souvent sous-analy­sée dans les discussions sur les retards Article IV, mais exposée à des fragilités comparables. Si aucun pays d’Afrique centrale ne figure actuellement sur la liste du FMI, plusieurs – comme la Centrafrique, le Tchad ou le Congo – restent classés à risque élevé d’endettement, exposés aux chocs sécuritaires (groupes armés, instabilité frontalière) et dépendants des matières premières. Dans cette région, le risque n’est pas uniquement économique, mais aussi sécuritaire : le sous-investissement dans la gouvernance budgétaire alimente des tensions sociales, qui elles-mêmes nourrissent l’instabilité. Sur le plan diplomatique, la sortie récente de pays comme l’Égypte ou l’Éthiopie confirme que le rétablissement du dialogue avec le FMI est possible. Leur retour traduit une volonté politique claire, mais aussi une mobilisation de leviers stratégiques : ancrage dans des programmes d’assistance technique, apaisement des tensions internes, ou renforcement du partenariat avec d’autres bailleurs (Banque africaine de développement, Chine, etc.). En somme, la liste du FMI agit comme un thermomètre des équilibres nationaux. Elle confirme que les retards dans les consultations ne sont pas des anomalies administratives, mais des symptômes d’un désordre plus large. Dans ce contexte, l’Afrique centrale doit tirer les leçons de ses voisins : renforcer ses capacités institutionnelles, professionnaliser la gestion de la dette, et intégrer les enjeux de sécurité au cœur des stratégies de développement. Car sans stabilité sécuritaire ni transparence budgétaire, l’accès aux financements internationaux – et donc aux leviers de transformation – restera hors de portée.

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Etoudi -12 octobre 2025 (Cameroun) : Paul Biya jour l’unité comme arme électorale

À deux mois du scrutin, le président mise sur le discours d’unité pour consolider son image d’homme d’ordre face à des fractures sociales et sécuritaires persistantes. Alors que le Cameroun s’apprête à vivre une nouvelle échéance électorale, le président Paul Biya recentre son discours sur des valeurs consensuelles : paix, concorde, cohésion nationale. « Nous devons en tout temps chérir la paix et rechercher la concorde », a-t-il déclaré dans un message à forte portée politique, rappelant les fondements de son projet de société fondé sur le « vivre-ensemble ». Ce message n’est pas anodin. Il intervient dans un climat de fragilisation sécuritaire (notamment dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, toujours en proie à une insurrection séparatiste), de tensions communautaires latentes dans le septentrion, et de polarisation numérique croissante, les réseaux sociaux étant devenus un terrain de confrontation idéologique entre partisans du pouvoir et de l’opposition. En plaçant la paix au centre du débat, Paul Biya adopte une posture de garant de la stabilité, une stratégie bien rodée qui vise à disqualifier toute alternative politique perçue comme potentiellement déstabilisatrice. Ce positionnement sert aussi à rassurer les partenaires internationaux et les investisseurs étrangers inquiets de l’évolution de la situation sécuritaire et institutionnelle du pays. Sur le plan géopolitique, cet appel peut être lu comme un signal à l’endroit des observateurs africains et internationaux : le Cameroun reste, malgré ses tensions internes, un pôle d’équilibre dans une Afrique centrale en recomposition (RCA, Tchad, Gabon), et un acteur-clé dans la lutte contre Boko Haram et les flux migratoires transfrontaliers. À l’approche de la présidentielle, ce retour aux fondamentaux du régime biyaïste – paix, unité, stabilité – illustre la prédominance d’une communication politique de préservation, face à des revendications de plus en plus fortes pour une alternance démocratique et un renouvellement générationnel. Ce message d’appel à la concorde, loin d’être neutre, s’inscrit dans une stratégie électorale maîtrisée. Mais à l’heure où la jeunesse urbaine se politise, où la diaspora devient un acteur de plus en plus vocal, et où les fractures internes demeurent vives, la paix ne peut plus être simplement invoquée : elle doit être concrètement négociée, redistribuée et institutionnalisée. C’est le véritable défi de cette présidentielle.

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Tchad : l’arrestation du fils présumé du fondateur de Boko Haram, entre défi sécuritaire et recomposition régionale

Une opération antiterroriste relance les enjeux de coopération régionale, de stabilité économique et de leadership stratégique en Afrique centrale. L’interpellation à l’ouest du Tchad de six individus suspectés d’activités terroristes, dont l’un serait Muslim Mohammed Yusuf – fils cadet du fondateur de Boko Haram – , marque un tournant potentiel dans la lutte contre les groupes djihadistes sahéliens. Si l’identité du jeune homme, arrêté sous un faux nom, reste à confirmer, la symbolique de cette opération alimente autant les dynamiques sécuritaires que diplomatiques. Sur le plan sécuritaire, cette arrestation intervient dans une zone sensible, théâtre d’activités transfrontalières de l’ISWAP, branche dissidente de Boko Haram ralliée à l’État islamique. La porosité des frontières dans le bassin du lac Tchad rend la coordination militaire cruciale. Le Tchad, fort d’un appareil sécuritaire aguerri et appuyé par des partenaires internationaux, cherche à réaffirmer son rôle de pivot dans la lutte contre l’extrémisme violent. Cette opération pourrait renforcer la coopération avec ses voisins immédiats (Nigéria, Cameroun, Niger) via le cadre de la Force multinationale mixte (FMM). Mais au-delà de la sécurité immédiate, l’enjeu est aussi géopolitique : une telle arrestation, si elle se confirme, repositionne N’Djamena comme interlocuteur clé dans les discussions régionales sur la paix et la stabilité. Dans une Afrique centrale marquée par l’instabilité politique (Soudan, RCA, RDC) et des rivalités d’influence (Russie, Chine, France), la maîtrise de la menace djihadiste devient un levier diplomatique. Sur le plan géoéconomique, la persistance de foyers terroristes freine l’exploitation des ressources (pétrole, agriculture, infrastructures logistiques régionales). Le contrôle sécuritaire est donc étroitement lié aux perspectives de développement et d’intégration économique sous-régionale. Les attaques récurrentes dans le lac Tchad affectent les corridors commerciaux et les flux d’investissement, notamment dans les zones rurales enclavées, alimentant pauvreté et radicalisation. Enfin, l’absence d’identité formellement établie des suspects renforce la nécessité d’un volet d’intelligence économique et judiciaire, avec une meilleure coordination du renseignement, du suivi migratoire et des bases de données criminelles régionales. L’arrestation annoncée ne saurait être réduite à un simple fait divers sécuritaire. Elle cristallise les tensions entre menace persistante, ambitions diplomatiques et impératif de développement durable dans un espace régional toujours en quête de stabilité. Le Tchad, en quête de légitimité interne et d’influence externe, pourrait en tirer des dividendes stratégiques, à condition d’ancrer cette opération dans une approche multidimensionnelle et concertée.

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Mali–France : une arrestation, une rupture, une recomposition

L’arrestation de Yann Vezilier, ressortissant français accusé par les autorités maliennes de participer à une tentative de déstabilisation du régime, cristallise une fracture désormais profonde entre la France et le Mali. Présenté par Bamako comme un agent des services de renseignement, Yann Vezilier aurait, selon les accusations, mobilisé des militaires maliens et des membres de la société civile dans un complot avorté. Paris, de son côté, dénonce des accusations « sans fondement » et affirme que l’intéressé est un diplomate accrédité, bénéficiant d’immunité. Cette affaire intervient dans un contexte de purge interne : plus de 50 personnes auraient été arrêtées, dont plusieurs généraux de haut rang. Pour le pouvoir militaire malien, il s’agit de démontrer sa vigilance face à des menaces extérieures et intérieures. Pour la France, il s’agit d’une violation du droit diplomatique international, mais surtout d’un signal d’alarme dans une relation déjà exsangue. Une fracture politique aux résonances géopolitiques L’épisode ne fait que confirmer une tendance lourde : la rupture progressive, mais irréversible, entre Paris et les régimes militaires du Sahel. Depuis le retrait des troupes françaises de l’opération Barkhane et la montée en puissance de l’Alliance des États du Sahel (AES), la France est devenue la cible symbolique d’un rejet politique, nourri par un discours souverainiste de plus en plus radical. Le Mali, le Burkina Faso et le Niger se tournent désormais vers d’autres partenaires, principalement la Russie, la Chine et la Turquie, perçus comme moins intrusifs. L’arrestation de Yann Vezilier, qu’elle repose ou non sur des faits avérés, s’inscrit dans ce récit : celui d’un État qui affirme sa souveraineté en s’émancipant de son ancienne puissance coloniale. Le droit diplomatique bousculé par le politique Le flou entretenu autour du statut exact de l’arrêté alimente les tensions. Si Yann Vezilier est bien un diplomate protégé par la Convention de Vienne, sa détention constitue une entorse grave au droit international. Si ce n’est pas le cas, la France est fragilisée par la perception d’un double jeu. Dans tous les cas, cette affaire montre que les règles diplomatiques ne suffisent plus à garantir le dialogue dans un contexte de rupture politique. Une recomposition régionale en marche Plus qu’un incident, cette arrestation marque un point de bascule : la fin du « privilège français » au Sahel. Dans une région en pleine recomposition stratégique, la France doit désormais affronter une réalité dure : elle n’est plus perçue comme un acteur légitime de la stabilité, mais comme un corps étranger d’un ordre révolu.

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Etoudi – 12 octobre 2025 (Cameroun) : ELECAM engage les candidats dans le processus de supervision

À deux mois de l’élection présidentielle prévue pour le 12 octobre 2025, Elections Cameroon (ELECAM) poursuit la mise en place progressive de son dispositif électoral. Dans un communiqué publié ce week-end, l’organe en charge de l’organisation des scrutins invite les douze candidats définitivement retenus à désigner leurs représentants au sein des commissions départementales de supervision. Ces structures, présentes dans les chefs-lieux de département, jouent un rôle central dans le suivi du processus électoral au niveau local. Leur mission est d’assurer la régularité des opérations électorales, en permettant une surveillance multipartite – un levier de transparence souvent revendiqué par les formations politiques et la société civile. « Les candidats ou leurs mandataires sont invités à se rapprocher des services régionaux ou départementaux d’ELECAM pour déposer les noms de leurs représentants », indique le communiqué. Un processus institutionnel dans un contexte de prudence Si cette étape s’inscrit dans la continuité du calendrier électoral, elle intervient dans un climat politique empreint de réserves, notamment du côté des partis d’opposition. Ces derniers, bien que légalement intégrés au processus, continuent d’exprimer des doutes sur les garanties offertes par le cadre électoral actuel. Des déclarations récentes d’acteurs du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), parti au pouvoir, critiquant l’attitude de certaines formations comme le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), ont suscité des réactions. L’un des cadres du parti majoritaire, Essomba Bengono, a affirmé que « le MRC ne prépare pas les élections, mais une contestation », une sortie perçue comme polémique par plusieurs observateurs. Ces tensions verbales témoignent d’un environnement politique toujours polarisé, où la suspicion envers l’organe électoral persiste, malgré le respect formel des échéances. Une liste de candidats validée sans surprise Sur les 13 dossiers initialement acceptés par ELECAM, un seul, celui de Hilaire Macaire Dzipan, a été écarté à l’issue du contentieux électoral devant le Conseil constitutionnel. La demande de réintégration formulée par Christine Moullende (Mouvement Progressiste) n’a pas été retenue. Au final, douze candidats participeront à la course, dont le président sortant Paul Biya. Il se retrouve face à onze concurrents, issus de formations diverses, avec des profils et programmes contrastés. Si la pluralité des candidatures est saluée dans certains cercles, la réalité de la compétition politique continue de faire débat, dans un système jugé par plusieurs analystes comme marqué par une forte concentration du pouvoir exécutif. Vers un scrutin sous observation La mise en place des commissions de supervision marque un jalon important dans la préparation du scrutin. Toutefois, la confiance dans le processus reste partielle, tant pour une partie de l’opinion publique que pour les partenaires internationaux. Plusieurs points sensibles, comme la composition perçue comme déséquilibrée d’ELECAM, ou le mode de publication des résultats, reviennent régulièrement dans les critiques adressées au cadre électoral camerounais. En 2018, des contestations avaient émergé autour de l’issue du scrutin, alimentées par une absence perçue de transparence dans le dépouillement et l’annonce des résultats. Une élection à forts enjeux, mais à l’issue incertaine Dans les prochaines semaines, les regards se porteront sur la campagne électorale, l’équité d’accès aux médias publics, et la capacité des institutions à garantir un traitement impartial des candidats. Si le respect des étapes techniques du calendrier électoral est globalement observé, la légitimité du scrutin dépendra aussi de la perception de son intégrité. À l’heure où le Cameroun est confronté à de nombreux défis – économiques, sécuritaires et sociaux -, cette élection présidentielle représente un test important pour ses institutions. Plus encore qu’un simple exercice démocratique, elle interroge sur la capacité du système politique à évoluer dans un cadre pacifique, pluraliste et inclusif.

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Cameroun – Extrême-Nord : enlèvement de onze civils sur l’axe Kousseri-Maroua, Boko Haram de nouveau en cause

Une attaque armée survenue mercredi matin dans la région de l’Extrême-Nord du Cameroun a conduit à l’enlèvement de onze personnes, ont confirmé les autorités locales jeudi. L’incident a eu lieu sur un axe routier stratégique reliant Kousseri à Maroua, à proximité de la frontière avec le Nigeria. Le bus de transport public, circulant sur la route nationale n°1, a été intercepté par un groupe d’hommes armés, vraisemblablement membres de Boko Haram, selon les premières analyses sécuritaires. Les assaillants ont contraint les passagers à descendre, ont relâché les femmes et le chauffeur, et ont emmené onze hommes adultes vers une destination inconnue. Aucune revendication n’a encore été formulée, mais l’attaque porte la signature classique du groupe jihadiste, actif dans la région depuis plus d’une décennie. Ce mode opératoire – embuscade sur axe routier, sélection des otages, retrait rapide – est typique des stratégies de harcèlement et d’enlèvement utilisées pour alimenter les réseaux de rançon, d’endoctrinement ou de recrutement forcé. Une zone sous haute tension depuis plus de dix ans L’Extrême-Nord camerounais, et en particulier les zones de Logone-et-Chari et du Mayo-Sava, constitue depuis 2013 l’un des points névralgiques de la guerre asymétrique que mène Boko Haram contre les États riverains du bassin du lac Tchad. Le Cameroun y a déployé d’importants moyens militaires, notamment via le BIR (Bataillon d’intervention rapide) et les comités de vigilance locaux, appuyés par la Force multinationale mixte (FMM), en coordination avec le Tchad, le Nigeria et le Niger. Malgré ces efforts, le groupe jihadiste continue de tirer profit de la porosité des frontières, de la pauvreté endémique et de la difficulté d’accès à certaines zones rurales. Le retrait progressif de certaines forces régionales et l’usure des dispositifs de surveillance facilitent la résurgence d’attaques ciblées, souvent dirigées contre des civils ou des cibles logistiques. Conséquences humanitaires et enjeux sécuritaires Outre l’insécurité routière qu’elle renforce, cette attaque souligne la persistance d’un risque élevé pour les populations civiles, déjà affectées par des déplacements massifs (plus de 350 000 déplacés internes selon l’OCHA en 2024) et la détérioration des conditions de vie dans la région. Elle relance également le débat sur l’efficacité des dispositifs de renseignement territorial, le manque de couverture sécuritaire permanente sur les grands axes, et la nécessité de renforcer la coopération transfrontalière avec les pays voisins. Le gouvernement camerounais n’a, pour l’instant, pas communiqué officiellement sur les mesures prises à la suite de l’incident.

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