15 septembre 2025

Cameroun : Paul Biya joue la carte de l’unité nationale

À un mois de la présidentielle, Paul Biya lance un appel à l’unité nationale : « Le pays a besoin de nous tous ». À moins de 30 jours d’une élection présidentielle à forts enjeux, le président camerounais Paul Biya a brisé le silence pour adresser un message d’unité à une nation traversée par des fractures profondes. Dans une déclaration à forte portée symbolique et politique, il exhorte les Camerounais à « bannir les préjugés et les complexes qui nourrissent le désordre » et à œuvrer ensemble « pour la stabilité du pays ». Un message au ton rassembleur dans un climat incertain Alors que le Cameroun se prépare à une échéance électorale sensible, le climat sociopolitique reste tendu. « Aucun groupe ne doit rejeter les autres. Aucun groupe ne doit se sentir exclu par les autres », a martelé Paul Biya dans un discours diffusé à la télévision nationale. Ce message intervient alors que le débat sur la succession, sur fond d’incertitudes constitutionnelles et de jeux de pouvoir internes au parti présidentiel (RDPC), reste discret mais omniprésent. L’unité nationale comme rempart stratégique Sur le plan géopolitique et sécuritaire, le Cameroun est un pivot régional. Engagé dans la lutte contre Boko Haram à l’Extrême-Nord et malgré d’être confronté à une instabilité supposée dans le Sud-Ouest et le Nord-Ouest, le pays fait face à un double défi : maintenir l’intégrité territoriale tout en relançant un dialogue national crédible. « Le vivre-ensemble n’est pas un slogan, c’est une stratégie de résilience », analyse un diplomate occidental en poste à Yaoundé. « Dans un pays où la diversité est une force mais aussi une ligne de fracture potentielle, Biya tente de poser les bases d’une paix durable – mais le temps joue contre lui ». Des défis économiques et sociaux à fort impact électoral Le FMI estime que la croissance du Cameroun pourrait atteindre 4,5 % en 2025, grâce à une reprise des secteurs agricole et énergétique. Mais cette embellie reste fragile, tant que l’instabilité politique -à venir peut-être- freineraient les investissements étrangers directs. Les régions les plus touchées par les conflits demeurent en situation d’exclusion économique, avec un taux de pauvreté supérieur à 60 % dans certaines zones rurales, selon le fonds. L’intelligence économique joue un rôle croissant dans la lecture stratégique de la situation : les bailleurs internationaux, notamment la Chine, la France et la Turquie, surveillent de près la stabilité du pays, condition indispensable à la poursuite des projets infrastructurels majeurs comme le port en eau profonde de Kribi ou les partenariats gaziers. Un leadership en question, une transition à anticiper Si Paul Biya apparaît comme le garant d’un certain ordre institutionnel, la question de sa succession reste source d’inquiétudes. Selon une étude du Centre d’analyse stratégique de Douala, près de 68 % des Camerounais interrogés se disent préoccupés par « l’absence de visibilité sur l’après-Biya ». La communauté internationale, notamment l’Union africaine et les partenaires bilatéraux du Cameroun, appellent à une présidentielle inclusive, sécurisée et crédible. Alors que le pays attend l’officialisation de la campagne présidentielle, la stabilité du Cameroun ne peut être considérée comme acquise. Les mois à venir seront décisifs, non seulement pour la gouvernance nationale, mais aussi pour l’équilibre géopolitique de toute l’Afrique centrale. Les Camerounais, dans leur sens de la résilience, seront les seuls arbitres de l’avenir de leur pays.  À retenir :

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Routes au Cameroun : 2000 km et des embouteillages budgétaires

Entre ambitions économiques, contraintes sécuritaires et limites budgétaires, la route devient un champ de bataille géopolitique et logistique en Afrique centrale. À mi-parcours de la Stratégie nationale de développement 2020–2030 (SND30), le gouvernement camerounais affiche un bilan mitigé. Seuls 2000 km de routes bitumées ont été réalisés sur les 6000 km programmés entre 2020 et 2024. Lors d’un point de presse tenu à Yaoundé, le ministre des Travaux publics Emmanuel Nganou Djoumessi a assumé cette contre-performance, en invoquant des freins multiformes : « L’insécurité dans certaines zones, les retards de paiement dus aux contraintes budgétaires et les séquelles du Covid-19 ont sérieusement ralenti notre rythme d’exécution ». Enjeux économiques et géostratégiques Au-delà des chiffres, le réseau routier camerounais est au cœur d’enjeux régionaux. Il irrigue l’économie et soutient les corridors stratégiques, en particulier Douala–Ndjamena et Douala–Bangui, artères vitales pour les échanges avec le Tchad et la RCA. « Si la route de Ngaoundéré à Garoua n’est pas reconstruite, c’est tout le corridor qui s’effondre. Nous ne pouvons plus dépendre uniquement du port de Douala si l’interne est bloqué », a déclaré Dr Jules N. Ateba, expert en aménagement du territoire. Rien que le projet Ngaoundéré–Garoua (278 km), approuvé par la BAD, mobilisera 182 milliards FCFA pour désenclaver le nord et soutenir la relance du port fluvial de Garoua. Coûts élevés, financement sous tension Malgré la réforme du Fonds Routier en 2022, les entreprises dénoncent toujours l’irrégularité des paiements : « Depuis deux ans, les paiements arrivent avec 6 à 12 mois de retard. Pour une PME locale, c’est invivable. On travaille à crédit », déclare un Directeur technique d’une société BTP locale. L’entretien routier : le talon d’Achille L’analyse du ministère des Travaux publics révèle une dégradation rapide des routes communales : seules 24,2 % sont en bon ou moyen état. Or, ces voies représentent plus de 80 % du linéaire national. Faute d’entretien, des axes récemment réhabilités se dégradent déjà. « On a bitumé ici en 2021, mais trois saisons de pluie ont suffi pour que les trous reviennent. Rien n’a été fait pour l’entretien », regrette une habitante de Ngoumou. Pour Franck Obam, ingénieur consultant en infrastructures, « construire sans entretenir revient à gaspiller de l’argent public. La maintenance doit être anticipée dès la conception des projets ». Classement régional (routes bitumées – 2024) Pays Routes bitumées Linéaire total État général Cameroun 10 467 km 121 873 km Moyen à bon Côte d’Ivoire 8 100 km 82 000 km Bon Sénégal 6 569 km 16 500 km Bon Tchad ~3 000 km 45 000 km Très faible Selon un économiste des infrastructures, la solution n’est pas toujours plus d’argent, mais une meilleure planification : « Les routes doivent être pensées comme des actifs, pas comme des rubans inauguraux ». Le Cameroun dispose de l’un des réseaux routiers les plus étendus d’Afrique centrale, mais il reste confronté à un paradoxe structurel : une forte ambition politique freinée par des réalités budgétaires, sécuritaires et techniques. Le défi des prochaines années ne sera pas seulement de construire plus, mais surtout de mieux entretenir, mieux planifier et mieux sécuriser ce patrimoine vital pour la souveraineté logistique et la croissance régionale.

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Carte stratégique de l’énergie : Le Cameroun muscle son réseau

Malgré des engagements formels en faveur de la transition énergétique, le Cameroun s’inscrit pleinement dans la dynamique continentale de dépendance aux hydrocarbures. Le pays, riche en gaz naturel et doté de réserves pétrolières offshore et onshore, continue de miser sur l’exploitation des ressources fossiles pour financer son développement, au détriment d’une bascule rapide vers les renouvelables. Une économie encore sous perfusion pétrolière Le secteur pétrolier et gazier représente près de 25 % des recettes d’exportation du Cameroun, bien que sa production ait décliné depuis son pic des années 1980. Aujourd’hui, le pays produit environ 70 000 barils de pétrole par jour, un chiffre modeste à l’échelle africaine, mais qui reste stratégique pour son équilibre macroéconomique. Avec le développement du champ gazier de Kribi (exploité par Perenco), et les projets autour du bassin du Rio del Rey, le Cameroun entend renforcer son rôle sur l’échiquier énergétique régional, notamment via la liquéfaction du gaz naturel en vue d’exportations vers l’Europe et l’Asie. Le terminal FLNG de Hilli Episeyo, premier du genre en Afrique, symbolise cette stratégie gazière tournée vers l’international. « Le Cameroun ne peut pas ignorer la manne des hydrocarbures dans un contexte de rareté budgétaire et de besoins en infrastructures », confie un haut fonctionnaire du ministère de l’Eau et de l’Énergie. Raffinage, dépendance et déficit stratégique Malgré son statut de producteur, le pays reste fortement dépendant des importations de produits raffinés. La fermeture prolongée de la SONARA (raffinerie de Limbé), suite à un incendie en 2019, a plongé le pays dans une crise énergétique coûteuse. Sa reconstruction partielle, toujours en cours, est freinée par un manque de financements et une gouvernance incertaine. Résultat : le Cameroun importe la quasi-totalité de ses carburants, exposant son économie aux chocs de prix internationaux, tout en aggravant son déficit commercial. Renouvelables : potentiel immense, mise en œuvre timide Sur le papier, le potentiel énergétique renouvelable du Cameroun est colossal : Pourtant, les investissements dans les énergies vertes restent marginaux. Selon les dernières estimations, moins de 5 % des financements énergétiques nationaux sont orientés vers les renouvelables hors hydroélectricité. La faiblesse du réseau électrique, les lenteurs administratives et le manque d’incitations fiscales freinent les acteurs privés. Souveraineté énergétique et dilemme stratégique Le Cameroun incarne le dilemme africain : capitaliser sur les hydrocarbures pour financer le développement tout en retardant l’inévitable transition énergétique. Dans un contexte de pression internationale croissante pour la décarbonation, la posture du pays pourrait devenir un handicap stratégique, notamment vis-à-vis des financements climatiques. « Le Cameroun ne pourra pas atteindre une véritable souveraineté énergétique sans industrialisation locale et diversification de son mix », prévient un analyste régional du secteur. Le Cameroun, comme nombre de ses voisins, se retrouve à la croisée des chemins. L’heure n’est plus à l’opposition entre pétrole et solaire, mais à la construction d’une stratégie énergétique intégrée et souveraine. Il s’agira, pour les décideurs camerounais, de dépasser le modèle extractiviste en investissant dans la transformation locale, la montée en puissance des renouvelables et la maîtrise technologique. Un défi autant économique que géopolitique. Projets énergétiques majeurs en cours au Cameroun Projet Type d’énergie / mix (hydro, solaire, hybride) Capacité / puissance attendue Région(s) concernées / zones desservies Calendrier / échéance estimée Enjeux stratégiques Nachtigal Hydroélectrique ~ 420 MW Sanaga, au nord-est de Yaoundé- réseau interconnecté Sud Mise en service prévue 2024 Renforcer la capacité de base, réduire la dépendance aux centrales thermiques, stabiliser le réseau Sud Kikot‑Mbebe Hydroélectrique ~ 500 MW Fleuve Sanaga — influence pour le Centre, mais capacité nationale Début 2030s pour mise en service & développement des appels d’offres Projet structurant pour la croissance énergétique, enjeu de transfert de compétences et développement durable Grand Eweng Hydroélectrique ~ 1 080 MW (phase initiale ~ 800 MW) Sanaga, entre Yaoundé et Douala — Littoral / Centre‐Ouest Prévision de mise en service autour de 2028 Très grande capacité, visée à satisfaire la demande urbaine, industrielle, export potentiel Projet solaire + stockage par Scatec / ENEO Solaire + batteries + 28,6 MW solaire + ~ 19,2 MWh stockage supplémentaires (extension des centrales existantes à Maroua & Guider) Régions du Nord et Extrême‑Nord — zones éloignées souvent mal desservies En cours (2023‑2024) pour extension Diversifier le mix, améliorer fiabilité hors réseau, réduire le coût de l’électrification rurale Centrales solaires en maturation (Ngaoundéré, Maroua, Guider, Garoua) Solaire photovoltaïque Environ 75 MW répartis sur plusieurs sites : ex. 20 MW (Ngaoundéré), 15 MW (Maroua), 10 MW (Guider), 30 MW (Garoua) Régions de l’Adamaoua, Extrême‑Nord, Nord Projets “en cours de maturation” — calendrier dépend des financements et des autorisations Répondre aux besoins d’électrification locale, réduire l’usage du diesel, accroître résilience énergétique dans les zones isolées Centrale hydroélectrique Mbakaou (projet + solaire flottant) Hydro + solaire flottant ~ 250‑300 MW pour la centrale hydro ; solaire flottant au‑dessus de retenue existante Région de l’Adamaoua, Nord / Extrême‑Nord Nord du pays, export vers le Tchad, interconnexion Nord‑Sud Études de faisabilité en cours (technique, environnement, social) ; démarrage possible vers 2025

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