Fer & Influence : le Cameroun déploie sa puissance minière à Kribi

Le Cameroun franchit une nouvelle étape dans sa stratégie de valorisation minière avec l’inauguration de la mine de fer de Grand-Zambi et la pose de la première pierre du terminal minéralier de Sinosteel à Kribi. Cette double cérémonie, présidée par le Premier ministre, Joseph Dion Ngute le 22 septembre, s’inscrit dans une vision nationale d’industrialisation, d’intégration logistique régionale, et d’attraction des investissements stratégiques. Kribi, port en eaux profondes et hub émergent du Golfe de Guinée, devient ainsi un levier géoéconomique central pour l’Afrique centrale. Joseph Dion Ngute, Premier ministre Une journée charnière pour l’industrie extractive camerounaise Le gouvernement camerounais donne un coup d’accélérateur à son ambition de devenir une puissance minière régionale. Le 22 septembre 2025, Kribi accueille deux événements majeurs : l’inauguration de la mine de fer de Grand-Zambi, projet structurant porté par l’État et des partenaires chinois, et le lancement officiel des travaux du terminal minéralier de Sinosteel, destiné à transformer le port de Kribi en plaque tournante des exportations minières. « C’est un tournant. Nous ne voulons plus être de simples pourvoyeurs de matières premières. Nous voulons intégrer la chaîne de valeur », a déclaré un haut responsable du Ministère des Mines sous couvert d’anonymat. Kribi : du comptoir colonial à la porte industrielle du Golfe de Guinée Kribi n’est pas une terre inconnue des stratèges. Ce port, jadis comptoir allemand à la fin du XIXe siècle, a toujours été au cœur des ambitions logistiques du Cameroun. Sa profondeur naturelle en fait l’un des rares ports en eaux profondes d’Afrique centrale, capable d’accueillir des navires de plus de 100 000 tonnes. À seulement 150 km de Douala, 100 km d’Edéa et moins de 300 km de Yaoundé, Kribi est idéalement positionnée pour désenclaver les ressources minières du Sud et de l’Est, tout en servant de point de transit pour le Tchad et la Centrafrique. Kribi, hub régional-Afrique centrale Un projet d’envergure à forte dimension géopolitique Le partenariat avec Sinosteel, géant chinois de la sidérurgie, renforce la présence stratégique de la Chine dans les infrastructures camerounaises. L’entreprise a prévu une première phase d’investissement estimée à 270 millions $, avec une montée en puissance progressive jusqu’à l’exportation annuelle de 10 millions de tonnes de fer brut. Ce terminal minéralier s’intègre dans l’Initiative “Belt and Road” (BRI), renforçant l’ancrage sino-africain dans les corridors miniers du continent. « Ce terminal va repositionner Kribi comme point nodal des chaînes logistiques africaines. C’est une infrastructure d’influence », analyse le politologue Pascal Ndjounou, chercheur associé à l’IFRI à Paris. Sécurité, emploi et intelligence économique L’État camerounais promet une vigilance renforcée autour de la sécurisation de la zone minière et portuaire, intégrée au plan national de sécurisation des infrastructures stratégiques. Selon les autorités, plus de 3 000 emplois directs et indirects seront générés durant la phase de construction, et 800 emplois permanents sont prévus à l’exploitation. Mais la vigilance reste de mise : cybersécurité industrielle, protection des données stratégiques, contrôle des flux d’informations techniques et diplomatiques. Le ministère de la Défense et celui de la Sécurité ont déployé des dispositifs spéciaux dans la région. Un catalyseur pour la sous-région CEMAC L’impact de ces infrastructures dépasse les frontières camerounaises. La Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) voit en Kribi un futur hub logistique régional. Une intégration logistique Est-Ouest est déjà en cours avec la relance du corridor Kribi-Bertoua-Ngaoundéré jusqu’au Tchad. « Kribi est en train de devenir ce que Djibouti est pour l’Afrique de l’Est », résume un diplomate européen. Prochaine étape Le gouvernement entend inscrire ces projets dans le Plan directeur national des zones économiques spéciales (ZES) et initier des formations locales pour combler le gap en main-d’œuvre qualifiée. Les partenaires occidentaux observent prudemment cette accélération sino-camerounaise, y voyant à la fois une opportunité d’investissement et une bataille d’influence sur le long terme.

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