29 octobre 2025

Cameroun : Paul Biya, une victoire contestée qui ravive les inquiétudes régionales

La réélection du président camerounais Paul Biya, à l’issue du scrutin du 12 octobre 2025, plonge le pays dans une nouvelle zone de turbulence politique et sécuritaire. Si l’Union africaine (UA) a félicité, mardi 28 octobre, le chef de l’État pour sa victoire officielle avec 53,66 % des voix, elle s’est simultanément dite « profondément préoccupée » par les violences post-électorales et les arrestations d’opposants. « L’Union africaine appelle à la retenue et à un dialogue national inclusif pour préserver la paix et la cohésion », a déclaré Mahmoud Ali Youssouf, président de la Commission de l’UA. Cette double posture, félicitations formelles et inquiétude diplomatique, traduit le malaise d’une organisation continentale soucieuse de stabilité dans une région stratégique, où le Cameroun demeure un pivot sécuritaire face aux menaces de Boko Haram au nord, et aux tensions séparatistes dans les régions anglophones. Un pouvoir fragilisé, une opposition réprimée Arrivé deuxième avec 35,19 % des suffrages, l’opposant Issa Tchiroma Bakary rejette les résultats qu’il qualifie de « mascarade électorale » et appelle à la résistance « pacifique mais déterminée ». Ses partisans dénoncent une répression brutale : plusieurs affrontements ont été signalés à Douala, Garoua et Yaoundé, faisant au moins quatre morts selon les autorités. Plusieurs figures de l’opposition, dont Anicet Ekane (Manidem) et le Pr Jean Calvin Aba’a Oyono, ont été interpellées et accusées « d’incitation à la révolte » et « d’hostilité envers la patrie ». Des accusations jugées « politiques » par leurs avocats. L’Europe s’inquiète, la communauté internationale en observation L’Union européenne s’est dite, le 27 octobre, « profondément préoccupée » par les violences et les restrictions des libertés publiques. Bruxelles a exhorté Yaoundé à garantir la transparence et à « prévenir tout usage excessif de la force ». Aucun diplomate européen n’aurait assisté à la cérémonie officielle de proclamation des résultats, un signe de désapprobation implicite du processus. Une stabilité en observation Sur le plan régional, la crise camerounaise inquiète les chancelleries africaines et occidentales. Le Cameroun, partenaire clé de la CEEAC et contributeur majeur des forces anti-djihadistes dans le bassin du lac Tchad, voit son image écornée par une défiance populaire. Derrière la stabilité apparente du régime se profile une fragilisation institutionnelle : absence de succession politique claire et risques économiques liés à la paralysie sociale. « Le Cameroun entre dans une zone grise : ni effondré, ni apaisé », estime un diplomate ouest-africain. « C’est un pays dont la stabilité dépend désormais plus de la peur que du consensus ». Entre statu quo et recomposition Dans un contexte de recomposition africaine où la légitimité électorale redevient un enjeu de souveraineté, la crise camerounaise révèle la tension croissante entre sécurité et démocratie. Si Paul Biya parvient encore à rassurer certains partenaires stratégiques, son huitième mandat pourrait aussi précipiter la recherche d’une alternative post-biyaïste, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. A moins  de s’offrir une nouvelle équipe gouvernementale- assez rapidement.

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Au-delà du serment : Paul Biya nouveau mandat entre stabilisation et fragilité

Le lundi 27 octobre 2025, le Conseil constitutionnel du Cameroun a officiellement proclamé la victoire du président sortant, Paul Biya, avec 53,66 % des voix, ouvrant la voie à un huitième mandat consécutif. Conformément à l’article 140 du Code électoral, la cérémonie de prestation de serment doit se tenir dans les quinze jours suivant cette proclamation – soit au plus tard le 9 novembre 2025. Ce rendez-vous institutionnel revêt des enjeux multiples : géopolitiques, sécuritaires, économiques et de gouvernance. Un pouvoir prolongé et une légitimité contestée À 92 ans, Paul Biya s’inscrit désormais parmi les chefs d’État les plus longtemps en fonction au monde. Son parti, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), fonde sa « victoire » sur la continuité ; mais l’opposition, emmenée par Issa Tchiroma Bakary, rejette fermement ces résultats, les qualifiant de « mascarade ». Parmi les chiffres marquants : un taux de participation officiel de 57,7 %, selon les observateurs.  Cette double réalité – stabilité formelle et crise de légitimité – sera le décor de la cérémonie de serment. Sécurité : un pays sous tension Les jours qui ont suivi l’annonce ont été marqués par des violences : dans la ville de Douala, des manifestants ont affronté gendarmerie et police, au moins quatre morts selon les ONG.  La sitation paraît calme ce 29 octobre. Mais le contexte est lourd : guerre anglophone dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, insurrections de Boko Haram dans la région de l’Extrême-Nord, fragmentation de l’autorité centrale.   La prestation de serment se veut donc un acte de réaffirmation de l’ordre ; mais sans réponse apaisante ou dialogue national, le mandat s’annonce plus qu’incertain. Économie : des promesses immuables, des défis amplifiés Sur le plan économique, le pays affiche une croissance modeste (estimée à 3,5 %-3,9 % pour 2025). Mais dans les faits : stagnation de la réduction de la pauvreté (23 % des Camerounais vivant dans l’extrême pauvreté), taux de chômage officiel faible (3,8 %) mais réalité informelle massive parmi les 18-35 ans. Pour les investisseurs et les puissances régionales, la continuité Biya garantit une « linéarité dans les contrats ». Mais une montée des troubles ou un changement inattendu fragiliserait ouvertures, pipelines et partenariats avec la France, la Chine ou les firmes extractives. Géopolitique et intelligence économique Sur la scène régionale, le Cameroun demeure un maillon stratégique. Frontière avec le Tchad, la RCA, le Nigeria : il joue un rôle clé dans le G5 Sahel, les enjeux migratoires et les flux sécuritaires. Le maintien de Biya rassure certains acteurs occidentaux sur la continuité du « partenariat anti-terroriste ». Mais de l’autre côté, l’opposition affirme : « Ce pouvoir ne surviendra pas au lendemain serein du chaos ». Pour les services d’intelligence économique, la question se pose : comment sécuriser les concessions pétro-gazières (off-shore), comment éviter que le climat politique ne déclenche sortie d’actifs ou retrait anticipé des filiales étrangères ? Politique : un mandat fragile Bien que reconduit, Biya entre dans ce mandat avec un capital politique affaibli : vote serré, défi accru de la jeunesse, légitimité contestée. Le retentissement international pourrait isoler Douala si une répression musclée suit. Le serment devant le Parlement n’est donc pas seulement symbolique : il devra être l’acte inaugural d’un plan de sortie de crise ou… d’une accélération vers l’inconnu. La prestation de serment de Paul Biya, prévue avant le 9 novembre 2025, ne sera pas une simple formalité. Elle sera le signal de lancement d’un mandat qui s’annonce plus incertain que jamais : stabilité affichée, légitimité affaiblie, défis sécuritaires et économiques en surchauffe. Le monde regardera quelques jours encore ce vieux régime en équilibre fragile.

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