octobre 2025

France–Afrique : Le gouvernement Lecornu à l’épreuve du continent stratégique

En dévoilant la composition de son gouvernement le 12 octobre, le Premier ministre français Sébastien Lecornu n’a pas seulement cherché à stabiliser la politique intérieure d’une France fracturée. Sébatien Lecornu a aussi posé les bases d’un repositionnement stratégique, notamment vis-à-vis de l’Afrique. Dans un contexte de recul d’influence française sur le continent, le nouveau gouvernement entend conjuguer réalisme diplomatique, partenariats économiques ciblés et sécurité partagée. « La France doit parler d’égal à égal avec l’Afrique, non plus au nom de l’histoire, mais au nom de l’avenir », aurait confié un proche du Premier ministre. Une diplomatie en reconquête La reconduction de Jean-Noël Barrot aux Affaires étrangères et la nomination de Catherine Vautrin aux Armées témoignent d’un double impératif : réaffirmer la présence stratégique française tout en réinventant les relations bilatérales dans un environnement post-Françafrique. Depuis le retrait progressif des forces françaises du Sahel et la montée en puissance d’acteurs concurrents – notamment la Russie, la Chine et la Turquie-, Paris cherche à transformer ses liens traditionnels en coopérations pragmatiques, axées sur la sécurité maritime, les infrastructures numériques et la formation des élites locales. Selon un diplomate africain à Paris, « l’enjeu n’est plus militaire, il est économique et culturel. L’Afrique attend des solutions, pas des leçons ». Économie et influence : la bataille du soft power Sous la houlette de Roland Lescure à l’Économie et de Nicolas Forissier au Commerce extérieur, le gouvernement Lecornu pourrait privilégier une stratégie de compétitivité partagée, s’appuyant sur les entreprises françaises encore actives en Afrique : énergie, transport, télécommunications, agriculture durable. La nomination d’Éléonore Caroit à la Francophonie traduit aussi une volonté de reconstruire un récit d’influence autour de la langue et de l’innovation, à l’heure où le français demeure parlé par plus de 300 millions de locuteurs, dont 60 % en Afrique. « La bataille économique africaine est aussi une bataille narrative », estime un analyste en intelligence économique. « Si la France veut rester audible, elle doit redevenir utile ». Une approche sécuritaire redéfinie Le binôme Laurent Nuñez (Intérieur) – Catherine Vautrin (Armées) incarne une vision de la sécurité intégrée : lutte contre le terrorisme transnational, contrôle migratoire concerté, cybermenaces, protection des diasporas. Lecornu, ancien ministre des Armées, maîtrise les enjeux militaires africains et pourrait promouvoir une logique partenariale où la France n’agit plus seule, mais en coalition avec les acteurs régionaux et européens. Les coopérations de défense pourraient désormais s’inscrire dans le cadre d’un « pacte de stabilité africaine », fondé sur la formation, le renseignement et la sécurité des zones maritimes – en particulier dans le Golfe de Guinée. Lecornu, l’équilibriste de Matignon De retour à Matignon dans un climat de crise politique, Sébastien Lecornu hérite d’un mandat à double dimension : rétablir la confiance interne et réaffirmer la présence internationale. Ses marges de manœuvre restent étroites, mais son profil – technicien du pouvoir, connaisseur des dossiers de défense – pourrait lui permettre d’ancrer une nouvelle doctrine africaine, moins idéologique, plus stratégique. Pour les observateurs, le « moment Lecornu » pourrait marquer une transition de l’influence vers l’interdépendance, où la France chercherait non plus à dominer, mais à durer. Grille de lecture stratégique Axe Objectif Risque Opportunité Politique intérieure Stabiliser le pays, adopter le budget Blocage parlementaire Consolidation du leadership de Lecornu Diplomatie africaine Repositionner la France Rejet du récit néocolonial Coopérations régionales et francophonie économique Sécurité Mutualiser les capacités régionales Retrait symbolique perçu comme un abandon Création d’un cadre africain de sécurité partagée Économie Rééquilibrer les échanges Concurrence chinoise et turque Nouvelles filières (énergie, numérique, agro-industrie) Influence Moderniser la francophonie Perte d’attractivité culturelle Innovation, éducation et diplomatie culturelle

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Cameroun-Présidentielle 2025 : Silence stratégique d’Issa Tchiroma

Au lendemain du scrutin présidentiel du 12 octobre 2025, le Cameroun entre dans une zone d’incertitude politique. Tandis que les résultats officiels se font attendre, Issa Tchiroma Bakary, l’un des principaux prétendants à la magistrature suprême, a publié un message laconique assurant de sa sécurité. Entre silence tactique, pressions populaires et incertitudes institutionnelles, l’après-vote dessine un tournant stratégique pour le pays. Un message crypté, une posture calculée « Peuple camerounais, vous avez parlé massivement et moi, à mon tour, je m’adresserai à vous bientôt. Je suis en sécurité et en santé », a déclaré Issa Tchiroma Bakary, le 12 octobre 2025, via Facebook. Ce court message, publié au lendemain du scrutin présidentiel sur les réseaux sociaux, est la première prise de parole publique du candidat du Front pour le salut national du Cameroun (FNSC). Aucun commentaire supplémentaire, aucune revendication, mais une promesse de « s’adresser bientôt » au peuple. Un silence interprété par de nombreux analystes comme un geste de retenue stratégique dans un contexte particulièrement volatile. Des résultats attendus dans une atmosphère électrique Alors que la Commission électorale n’a encore rendu aucun résultat officiel, les premières tendances circulant sur les réseaux sociaux dessinent un paysage électoral partagé : Issa Tchiroma et le président sortant Paul Biya seraient en tête dans plusieurs régions clés. Les grandes agglomérations urbaines – Douala, Yaoundé, Bafoussam – semblent avoir fortement voté pour le changement. « Les zones urbaines regroupent près de 60 % de la population. Les tendances montrent une poussée significative pour Issa Tchiroma, reflet des aspirations au renouveau », a déclaré Ateki Seta Caxton, autre candidat en lice, tout en appelant à la prudence. Une transition risquée, une stabilité en jeu Le Cameroun, pivot géopolitique en Afrique centrale, n’a jamais connu d’alternance politique réelle depuis son indépendance. Paul Biya, au pouvoir depuis 1982, représente l’un des derniers bastions de longévité présidentielle sur le continent et dans le monde. Une éventuelle victoire de l’opposition, inédite, redessinerait les équilibres politiques, économiques et sécuritaires du pays. Dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, les revendications séparatistes et les tensions militaires persistent. Dans l’Extrême-Nord, Boko Haram reste une menace intermittente. Toute instabilité post-électorale pourrait être exploitée par ces foyers de crise. Les puissances étrangères observent en silence La communauté internationale suit le processus avec une extrême attention. L’Union africaine, la CEEAC, l’UE, les États-Unis, la Chine et la Russie ont tous déployé des observateurs. Officiellement, aucun acteur ne s’est encore prononcé, mais des diplomates en poste à Yaoundé évoquent en privé « un moment critique pour la stabilité régionale ». Selon une source diplomatique européenne :« Il s’agit d’un test de maturité démocratique. Toute manipulation des résultats pourrait engendrer une perte de crédibilité durable pour les institutions camerounaises ». Une économie en attente, un climat d’affaires sous pression En veille stratégique, les milieux d’affaires attendent. L’économie camerounaise, fragilisée par la dette (estimée à 48 % du PIB), la dépendance au pétrole, et une jeunesse massivement sous-employée, pourrait bénéficier d’un renouvellement du leadership. Mais les incertitudes actuelles retardent les décisions d’investissement. Le taux de chômage des jeunes frôle les 35 %, selon les estimations du ministère de l’Économie. Les projets dans l’agro-industrie, les transports, et l’énergie sont en pause, en attente de clarté politique. Pour les grandes entreprises opérant dans le pays, la stabilité des institutions et la transparence du processus électoral seront déterminantes. Une sortie de crise encore incertaine Les jours à venir seront cruciaux. Le message d’Issa Tchiroma n’exclut aucun scénario : contestation, reconnaissance, ou appel à un processus de transition. Sa posture actuelle semble viser à éviter l’escalade tout en renforçant sa légitimité politique. « Notre pays a trop souffert. Ce n’est pas le moment d’ajouter de nouvelles blessures », a plaidé Ateki Caxton dans un message empreint d’appel au calme. Le Cameroun au bord d’un tournant L’issue du scrutin présidentiel de 2025 pourrait marquer un basculement historique pour le Cameroun. Dans cette période de grande incertitude, où chaque mot peut peser lourd, Issa Tchiroma semble avoir choisi la stratégie du silence diplomatique. Un silence qui, en politique, vaut parfois plus qu’un discours.

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Présidentielle 2025 au Cameroun : La diaspora, sentinelle stratégique d’un scrutin à hauts risques

Alors que le Cameroun entre dans une élection marquée par les incertitudes politiques et sécuritaires, le vote paisible de la diaspora – bien que minoritaire numériquement – envoie un signal fort aux partenaires internationaux et aux investisseurs. En toile de fond : stabilité régionale, mutation politique et repositionnement géoéconomique. Dans un calme presque cérémonial, les Camerounais de la diaspora ont glissé leur bulletin dans l’urne, loin des tensions qui marquent le terrain national. « Ce geste, c’est mon message pour l’avenir du Cameroun », déclare Bertille N., électrice à Rome. Comme elle, plus de 34 000 électeurs répartis dans 38 pays ont voté, marquant une participation modeste (0,43 % des inscrits) mais hautement stratégique dans un scrutin qui, à bien des égards, dépasse les frontières du pays. Une mobilisation faible, mais hautement symbolique Avec 108 centres de vote mis en place par les ambassades camerounaises, le dispositif électoral à l’étranger s’est déroulé sans heurts majeurs. À Bruxelles, Daniel Evina Abe’e, Ambassadeur du Cameroun en Belgique, a salué « la maturité politique de notre diaspora ». À Paris, Washington ou Londres, les électeurs camerounais ont affiché leur volonté de peser dans un processus électoral dont la transparence reste cependant sujette à caution. Une élection sous tension : Paul Biya, l’épreuve de la longévité Au Cameroun, le vote s’est ouvert dans un climat sécuritaire tendu, notamment dans les régions du Nord-Ouest, du Sud-Ouest, du Nord et de l’Extrême-Nord. Malgré un déploiement militaire renforcé, des incidents isolés ont été signalés, accentuant les doutes sur la capacité de l’État à organiser un scrutin pleinement inclusif. Le président sortant Paul Biya, au pouvoir depuis 1982, brigue un huitième mandat à 92 ans. Face à lui, six candidats, dont Cabral Libii, Serge Espoir Matomba, Bello Bouba Maigari et Issa Tchiroma Bakari tentent d’incarner une alternative, bien que la marge de manœuvre de certaine- à l’exception d’Issa Tchiroma Bakari – demeurent limitées dans un appareil électoral largement contrôlé par le pouvoir. La stabilité comme argument diplomatique Dans un contexte régional miné par l’instabilité – du Sahel à la RDC, en passant par la transition au Tchad -, Yaoundé veut apparaître comme un bastion de stabilité. Ce positionnement séduit certains partenaires internationaux, soucieux de préserver un allié stratégique dans une zone où les États fragiles se multiplient. « Le Cameroun joue une carte de respectabilité institutionnelle à l’étranger, même si la scène intérieure reste verrouillée », analyse un diplomate européen. Le vote de la diaspora s’inscrit dans cette stratégie d’image, visant à rassurer bailleurs de fonds, institutions financières et acteurs sécuritaires. Enjeux économiques : l’intelligence stratégique au cœur du scrutin Au-delà de la dimension politique, l’élection présidentielle de 2025 est un test pour les acteurs de l’intelligence économique. Le Cameroun est confronté à des défis structurels : Diversification d’une économie encore dépendante des exportations primaires (pétrole, bois, cacao) ; Transition énergétique dans un pays où 60 % de l’électricité provient de l’hydroélectrique ; Lutte contre la corruption et réforme de l’environnement des affaires ; Sécurisation des investissements dans un climat régional instable. Les partenaires étrangers observent avec attention la suite du processus électoral, bien que leurs réactions demeurent mesurées pour l’instant. Une diaspora en éveil : relais de soft power et de réforme Si leur poids électoral reste marginal, les Camerounais de la diaspora représentent un levier d’influence non négligeable. Acteurs économiques, membres de la société civile ou experts internationaux, ils sont de plus en plus perçus comme des vecteurs de modernisation institutionnelle et de pression citoyenne. « Ce n’est pas seulement un vote, c’est une forme de diplomatie populaire », résume une politologue camerounaise. Face à un appareil d’État résistant aux réformes, la diaspora apparaît comme un laboratoire d’initiatives démocratiques, capable de tisser des ponts entre exigence locale et regard international. Le Cameroun au centre d’un équilibre fragile Avec près de 30 millions d’habitants et une position géographique clé en Afrique centrale, le Cameroun reste un acteur central dans les équilibres régionaux. L’évolution de sa gouvernance interne aura des répercussions au-delà de ses frontières. À court terme, l’enjeu pour le régime sera de contenir les tensions post-électorales et de préserver une façade institutionnelle stable. À moyen terme, l’alternance – ou l’absence d’alternance – influencera directement les relations avec la Chine, l’Union européenne, les États-Unis et les institutions financières multilatérales. Chiffres clés • Nombre d’électeurs au Cameroun : 8 010 464 • Nombre d’électeurs de la diaspora : 34 411 (0,43 %) • Nombre de bureaux de vote à l’étranger : 108 • Pays participants : 38 • Nombre de candidats : 12

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Présidentielle 2025 :  Le Cameroun vote, la région retient son souffle

Ce 12 octobre, plus de 8 millions d’électeurs camerounais sont appelés à voter dans un scrutin présidentiel à un seul tour. En jeu : la continuité du régime, les équilibres régionaux, et la crédibilité d’un processus politique contesté. À 92 ans, Paul Biya, l’un des plus anciens chefs d’État au monde, brigue un huitième mandat. Président depuis 1982, il reste le favori d’un scrutin organisé dans un climat d’atonie politique, marqué par une campagne minimale et une opposition fragmentée. L’organisme électoral, Elecam, a ouvert 31 000 bureaux de vote pour accueillir 8,1 millions d’électeurs, dont près de 2 millions de nouveaux inscrits. « Tout est prêt, mais c’est désormais la volonté des citoyens qui fera la différence », affirme Erick Essousse, directeur général d’Elecam. Un régime stable, mais sans alternative claire Malgré son âge, Paul Biya conserve un contrôle serré de l’appareil d’État grâce à son parti, le RDPC, omniprésent jusqu’au niveau local. L’absence d’un héritier politique désigné renforce cependant les incertitudes quant à l’avenir du pouvoir. « Le scrutin est moins une élection qu’un test de résilience d’un système à bout de souffle », note un diplomate européen. Une opposition affaiblie et divisée Dix candidats restent en lice, mais sans coordination stratégique. Cabral Libii, Joshua Osih, Issa Tchiroma Bakary, Bello Bouba Maïgari ou encore Patricia Ndam Njoya mènent des campagnes dispersées, sans dynamique unificatrice. « Le pluralisme existe, mais il ne se traduit pas en force politique crédible », analyse Alice Biloa, politologue à l’Université de Buea. Sécurité incertaine, voisinage inquiet Le vote se tient sous la menace des groupes jihadistes dans l’Extrême-Nord, et de la crise anglophone au Sud-Ouest et Nord-Ouest, où certains séparatistes appellent au boycott. Dans ces zones, la participation s’annonce faible. Autour du Cameroun, les voisins observent avec prudence : Le Tchad et la RCA redoutent des retombées sécuritaires ; Le Nigéria, préoccupé par la frontière commune, reste silencieux ; Le Gabon, le Congo et la Guinée équatoriale privilégient la stabilité. « Une instabilité à Yaoundé aurait des effets domino régionaux », avertit un analyste. Une économie sous tension Avec un PIB de 45 milliards de dollars, le Cameroun est une locomotive de la CEMAC. Les indicateurs économiques sont loin du potentiel réel. « Tant que la gouvernance ne change pas, le Cameroun restera bloqué dans une stagnation masquée », déclaré un consultant sous anonymat. Ce scrutin n’ouvre pas de compétition réelle pour le pouvoir, mais il met en lumière l’usure d’un régime et l’absence d’alternative structurée. Pour les partenaires internationaux, le défi est clair : préserver la stabilité sans cautionner l’immobilisme.

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L’Afrique, moteur stratégique du XXIe siècle : Antonio Guterres appelle à une mobilisation globale

Dans un appel diplomatique mais sans ambiguïté, António Guterres, Secrétaire général de l’ONU, a exhorté la communauté internationale à changer d’échelle dans sa relation avec l’Afrique. C’était lors du forum « Une Afrique imparable », organisé avec l’Union Africaine. Pour lui, le continent doit être reconnu non plus comme une zone à soutenir, mais comme un acteur central des équilibres économiques, énergétiques et géopolitiques du XXIe siècle. « L’Afrique recèle un potentiel immense. Il est temps de transformer cette promesse en un moteur de prospérité durable, inclusive et mondiale », a-t-il déclaré à New York. Face aux urgences démographique, climatique et sécuritaire, Guterres a tracé trois axes de transformation : Réforme systémique : l’Afrique et le nouvel ordre mondial Le discours de Guterres va au-delà des projets techniques. Il interpelle directement les règles du jeu économique mondial, affirmant que sans réforme des institutions de Bretton Woods, il sera impossible de financer cette transformation. Il a appelé à soulager la dette africaine, à éviter les crises systémiques, et surtout à accroître la représentation de l’Afrique au sein des instances de gouvernance mondiale, notamment au Conseil de sécurité de l’ONU. « Le système financier international doit refléter le monde d’aujourd’hui, pas les rapports de force du siècle dernier ». L’Afrique, enjeu stratégique global En arrière-plan, le discours souligne une vérité géostratégique : l’Afrique devient un champ de projection majeur des rivalités internationales (États-Unis, Chine, Russie, Turquie, etc.), notamment autour des ressources, des terres rares, des corridors énergétiques et du contrôle numérique. Mais au lieu de subir, le continent pourrait devenir coproducteur d’un multilatéralisme repensé, basé sur l’équité et la co-souveraineté. « Investir en Afrique n’est pas un acte de solidarité. C’est un acte de clairvoyance stratégique ».

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Sécurité, énergie, jeunesse : Paul Biya réaffirme son emprise stratégique sur le Nord

À cinq jours de la présidentielle du 12 octobre 2025, le président Paul Biya a lancé depuis Maroua un message fort : cap sur l’économie, la jeunesse et la stabilité. Dans une région stratégique et convoitée, le chef de l’État joue la carte du développement contre les vents contraires d’une opposition montante. Un chef d’État-candidat en pleine reconquête Ce 7 octobre 2025, c’est un Paul Biya résolument offensif qui a foulé le sol brûlant de Maroua, capitale politique de l’Extrême-Nord, pour y livrer un discours à double tranchant : bilan et promesses. Candidat à un huitième mandat à 92 ans, le chef de l’État a fait de cette sortie une vitrine diplomatique et électorale majeure. « Beaucoup a été fait, mais le meilleur est à venir », a-t-il lancé devant des milliers de partisans rassemblés au stade Lamido Yaya Dairou. Dans une région aussi stratégique qu’instable, marquée par les incursions de Boko Haram et un taux de pauvreté dépassant 60 %, ce déplacement n’est pas une simple formalité protocolaire. Il s’agit d’une opération de reconquête politique où se joue, en creux, la crédibilité d’un pouvoir en place depuis 43 ans. Développement, infrastructures et énergie : le triptyque du discours présidentiel En appelant à un Cameroun de « productivité et d’opportunités », Paul Biya a recentré son discours autour de l’économie réelle. L’annonce de la mise en chantier imminente des axes stratégiques Mora–Dabanga–Kousseri et Garoua-Goundéré — dans une région enclavée – vise à restaurer la connectivité territoriale, fondement de la croissance locale. Le président a également salué la montée en puissance du barrage hydroélectrique de Nachtigal et l’élargissement du réseau solaire, affirmant que « la sécurité énergétique est une condition non négociable de l’industrialisation ». Objectif : faire du septentrion un hub énergétique, logistique et agro-industriel. Selon les chiffres du ministère de l’Économie, le Cameroun a investi plus de 2 000 milliards de FCFA dans les infrastructures en dix ans, avec près de 10 700 km de routes bitumées, un chiffre cité par Paul Biya lui-même à Maroua. Sécurité et stabilité : la clé de voûte de la stratégie présidentielle Le discours présidentiel n’a pas éludé la question sécuritaire. Paul Biya a salué les « succès incontestables de nos forces de défense » face à Boko Haram. Pourtant, la région reste sous tension : plus de 734 000 personnes y vivent en insécurité alimentaire (OCHA, décembre 2024), et les récentes inondations ont affecté 459 000 autres, détruisant habitations, cultures et cheptels. Face à cette situation, le président promet une réponse intégrée : militaro-humanitaire, mais aussi économique, avec le lancement de projets agricoles et de résilience climatique. « Sans paix, pas de développement. Et sans développement, la paix reste fragile », a-t-il martelé. La jeunesse comme levier stratégique Dans un pays où plus de 70 % de la population a moins de 35 ans, la jeunesse est la cible clé de la rhétorique présidentielle. À Maroua, Paul Biya a promis la réforme du Fonds national de l’emploi, le renforcement de la formation professionnelle et la facilitation du financement des projets jeunes. « Je ne prendrai aucun repos tant que des progrès significatifs n’auront pas été réalisés », a-t-il insisté, promettant des milliers d’emplois à travers les secteurs agricoles, artisanaux et numériques. Ce message s’adresse à une jeunesse souvent marginalisée, mais électoralement décisive. Un message d’unité nationale sous tension politique Alors que les régions anglophones (Nord-Ouest et Sud-Ouest) et l’Extrême-Nord sont toujours classées zones économiquement sinistrées, le président Biya a réaffirmé « la nécessité d’un Cameroun uni, paisible, moderne et prospère ». Un message d’unité nationale lancé dans un contexte où la cohésion territoriale est mise à rude épreuve. Mais cette volonté de stabilité se heurte à une réalité politique mouvante. Deux ex-alliés poids lourds du président, Issa Tchiroma Bakary et Bello Bouba Maïgari, désormais candidats, menacent l’hégémonie du RDPC dans le Septentrion. La clameur « Tchiroma Président ! » lancée par des élèves au passage du cortège présidentiel a cristallisé un malaise latent. Un signe que la dynamique de terrain pourrait échapper au contrôle de Yaoundé. Entre soft power interne et guerre d’influence Cette visite de Paul Biya à Maroua, au-delà de sa charge symbolique, est aussi une manœuvre d’intelligence politique. Elle vise à restaurer un capital de confiance dans un électorat stratégique, à rassurer les bailleurs internationaux et à maintenir le cap d’un Cameroun attractif pour les investisseurs. Sur le plan économique, le pays dispose de réserves minières encore sous-exploitées et d’un potentiel agropastoral considérable. La stabilité politique est donc un argument central pour maintenir les investissements étrangers, en particulier chinois, français et turcs, dans les infrastructures, les mines et l’énergie. Un pari risqué mais assumé À Maroua, Paul Biya a tenté de redéfinir la campagne sur ses propres termes : bilan, sécurité, développement. Mais dans un contexte d’émergence de figures alternatives, de fractures sociales persistantes et de fatigue démocratique, la réélection du doyen des chefs d’État africains repose sur un fragile équilibre entre l’ordre établi et l’appel au renouveau. À quelques jours du scrutin du 12 octobre, le septennat promis par Paul Biya ressemble autant à une offre de continuité qu’à une démonstration de force diplomatique face à une opposition qui monte et une jeunesse en attente. Encadré – Chiffres clés :

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Les Émirats arabes unis en Afrique centrale : une stratégie d’influence ciblée, le cas du Cameroun

L’influence croissante des Émirats arabes unis (EAU) en Afrique ne se limite plus aux grandes puissances régionales ou aux zones côtières stratégiques.  L’Afrique centrale, longtemps marginalisée dans les dynamiques d’investissements globaux, devient à son tour une zone d’intérêt croissant pour Abou Dhabi. Ce recentrage géographique illustre une ambition claire : étendre leur empreinte à des régions encore peu disputées, tout en sécurisant des ressources et des leviers d’influence politique. Le Cameroun, avec sa position géostratégique entre l’Afrique de l’Ouest et centrale, attire de plus en plus l’attention émiratie. En 2024, des discussions ont été amorcées autour de projets dans les domaines portuaire, énergétique et agricole. Les Émirats envisagent notamment de moderniser des infrastructures logistiques, via DP World, et d’investir dans l’agriculture irriguée dans le Nord-Cameroun, région confrontée à l’insécurité alimentaire et aux effets du changement climatique. Ce type d’initiative renforce non seulement leur image de partenaire du développement, mais aussi leur présence dans des zones frontalières sensibles, où se jouent des enjeux de sécurité transnationale (extrémisme violent, trafics). Au niveau régional, les Émirats ont conclu en 2025 un partenariat économique global (CEPA) avec la République centrafricaine, assorti de projets miniers et d’investissements dans les infrastructures. En parallèle, des initiatives sont en préparation autour du Plan national de développement du Tchad, avec l’organisation d’une table ronde à Abou Dhabi. Cette diplomatie économique vise à positionner les Émirats comme des facilitateurs de stabilité dans une région marquée par l’instabilité politique et le désengagement progressif des bailleurs traditionnels. Sur le plan géoéconomique, ces investissements permettent aux EAU de sécuriser des chaînes d’approvisionnement critiques (or, uranium, agriculture) tout en diversifiant leurs propres relais de croissance. La région, en particulier le Cameroun, constitue un marché en expansion, encore peu saturé, et un point d’ancrage logistique entre Golfe de Guinée et zones sahéliennes. Enfin, la stratégie des Émirats s’inscrit dans un vide géopolitique croissant. Le retrait progressif de la France, la prudence de la Chine, et les limites de l’engagement américain ouvrent un espace que les Émirats investissent avec rapidité et pragmatisme. Pour les États d’Afrique centrale, notamment le Cameroun, ces partenariats offrent des opportunités financières et diplomatiques, mais posent aussi la question de la soutenabilité sociale, environnementale et politique de cette nouvelle dépendance.

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Cameroun/Présidentielle 2025 : 8 millions de voix en jeu, le compte à rebours est lancé

À quelques jours de l’élection présidentielle prévue le 12 octobre 2025, le chiffre est désormais officiel. À quelques jours de l’élection présidentielle prévue le 12 octobre 2025, le chiffre est désormais officiel. Cette annonce saluée par certains comme un gage de transparence, suscite également attentes dans un climat politique tendu. Conformément aux articles 96 et 97 du Code électoral, le Directeur général des Élections, Dr Erik Essousse, a rendu publiques les listes des électeurs et des bureaux de vote dans chaque commune, ainsi qu’auprès des ambassades et consulats à l’étranger. 31 652 bureaux de vote ont été répertoriés à travers le territoire, et 34 296 électeurs sont inscrits à l’étranger dans 107 bureaux. Cette transparence est essentielle pour éviter les soupçons », souligne un observateur électoral à Yaoundé. Cette publication vise à renforcer la confiance dans le processus électoral, souvent sujet à controverse au Cameroun. Pour Christian Essomba Okah, président de la Commission d’impression du matériel électoral, cela permet aussi d’écarter tout risque de bureaux de vote fictifs. Du côté des états-majors politiques, ces listes sont un outil stratégique : elles permettent de cibler les zones à fort potentiel électoral et de mieux planifier les campagnes de terrain. Pour les observateurs nationaux et internationaux, ces données sont également cruciales pour surveiller le déroulement du scrutin. « L’opinion publique doit savoir combien d’électeurs sont inscrits par commune, et où voter », explique Patrick Pagbe, chef service des listes à Elecam. Les électeurs peuvent consulter ces listes dans les antennes communales ou en ligne via les plateformes numériques d’Elecam – une modernisation saluée, dans un pays où l’accès à l’information électorale a longtemps été jugé opaque. Alors que les tensions préélectorales montent, la publication anticipée des listes vise à prévenir toute contestation post-électorale. Cette ouverture suffira-t-elle à garantir la crédibilité du scrutin et l’acceptation de ses résultats par tous les acteurs politiques ?

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Cameroun et Érythrée : les deux absents du soutien africain à la Palestine

Alors que 52 des 54 États africains ont reconnu l’État palestinien, le silence persistant du Cameroun et de l’Érythrée interroge. Derrière cette abstention diplomatique se dessinent des logiques sécuritaires, historiques et géopolitiques bien spécifiques. Depuis la proclamation de l’indépendance palestinienne à Alger en 1988, la cause palestinienne bénéficie d’un large soutien sur le continent africain. Ce soutien s’inscrit dans une tradition politique de solidarité tiers-mondiste et panafricaniste, incarnée par des figures comme Thomas Sankara, Julius Nyerere ou Nelson Mandela. Plus récemment, la reconnaissance officielle de l’État palestinien par plusieurs pays occidentaux (Irlande, Espagne, Norvège, etc). a contribué à remettre la question au centre des débats diplomatiques mondiaux. Pourtant, au sein de l’Union africaine, deux pays dérogent à cette ligne de solidarité affichée : le Cameroun et l’Érythrée. Leur silence, loin d’être anecdotique, met en lumière une autre lecture de la diplomatie contemporaine africaine : celle des intérêts nationaux. Cameroun : la realpolitik sécuritaire Au Cameroun, la non-reconnaissance de l’État palestinien s’explique en grande partie par la solidité du partenariat sécuritaire avec Israël. Depuis plus de trois décennies, Israël forme et équipe les forces spéciales camerounaises, notamment les unités engagées contre Boko Haram dans le nord et les groupes séparatistes anglophones dans l’ouest. Ce soutien militaire est vital pour le régime de Paul Biya, confronté à plusieurs foyers d’instabilité internes. Reconnaître un État palestinien aujourd’hui serait perçu comme un geste diplomatique risqué, susceptible d’irriter un partenaire stratégique majeur, et d’envoyer un message ambigu aux mouvements séparatistes qui pourraient y voir un précédent ou un soutien implicite à leurs revendications. Comme le souligne David Otto, analyste sécuritaire basé à Genève : « Yaoundé redoute de donner des arguments à ceux qui contestent l’unité nationale, dans un contexte où le régime insiste sur le caractère indivisible du Cameroun ». Érythrée : le poids des rancunes historiques Dans le cas érythréen, l’abstention est davantage alimentée par un contentieux historique que par des considérations sécuritaires contemporaines. Durant les années 1980, alors que l’Érythrée menait sa lutte pour l’indépendance contre l’Éthiopie, l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) de Yasser Arafat s’était rangée du côté d’Addis-Abeba. Un choix perçu comme une trahison par les combattants érythréens, qui s’en sont longtemps souvenus. Depuis son indépendance en 1993, l’Érythrée cultive une diplomatie singulière, isolationniste et parfois provocatrice, souvent en rupture avec les positions de l’Union africaine. Son silence vis-à-vis de la Palestine semble s’inscrire dans cette tradition d’indépendance assumée, voire revendiquée, vis-à-vis des grands consensus diplomatiques. Une solidarité africaine aux contours moins homogènes L’abstention du Cameroun et de l’Érythrée ne signifie pas une hostilité ouverte à l’égard de la Palestine. Elle illustre plutôt la complexité croissante des positionnements diplomatiques en Afrique, à l’heure où les logiques de solidarité panafricaine cèdent le pas à des calculs d’intérêts nationaux, sécuritaires ou historiques. Dans un monde multipolaire en recomposition, où chaque alliance compte, la reconnaissance d’un État – aussi symbolique soit-elle  – devient un acte diplomatique hautement stratégique.

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Redessiner la carte : pour une Afrique à sa vraie échelle

Et si l’Afrique n’était pas seulement sous-évaluée économiquement et politiquement, mais aussi… cartographiquement ? À l’occasion de la Biennale Euro-Africa, chercheurs, diplomates et cartographes ont soulevé un point essentiel : notre vision du continent est biaisée, car faussée dès la représentation géographique que nous en avons. Au cœur du problème : la projection de Mercator. Conçue au XVIe siècle pour la navigation maritime européenne, elle demeure largement utilisée dans les manuels scolaires et les outils de géolocalisation modernes. Cette projection déforme la réalité en agrandissant artificiellement les régions proches des pôles, comme l’Europe ou l’Amérique du Nord, et en réduisant celles situées près de l’équateur – en particulier l’Afrique. Résultat : une perception erronée, mais profondément ancrée. Sur ces cartes, le Groenland semble aussi vaste que l’Afrique, alors qu’il est en réalité quatorze fois plus petit. L’Afrique, elle, couvre plus de 30 millions de km². Elle pourrait contenir les États-Unis, la Chine, l’Inde, le Japon et toute l’Europe de l’Ouest – ensemble. Pourtant, dans l’imaginaire collectif mondial, elle reste souvent perçue comme un continent « petit », marginal, voire périphérique. Cette distorsion visuelle n’est pas sans conséquences. Comme le rappelle la géographe Vanessa Ehouman : « L’Afrique n’a jamais été petite. C’est notre regard qui l’a rétrécie ». Une carte biaisée produit un imaginaire biaisé. Elle influence les décisions politiques, les investissements économiques, la manière dont les citoyens du monde – y compris les Africains eux-mêmes – perçoivent le continent. « Cartographier, c’est exercer du pouvoir », affirme le géographe Philippe Rekacewicz. Une carte n’est pas neutre : elle hiérarchise l’espace, oriente les regards et donc les priorités. À l’heure où l’Afrique devient un centre stratégique global – avec une population jeune, des ressources naturelles abondantes, des terres arables, un dynamisme entrepreneurial – il est temps de lui rendre sa véritable place sur la carte… et dans les esprits. Face à cela, des alternatives émergent : la projection Gall-Peters, plus fidèle aux surfaces réelles ; des cartes centrées sur l’Afrique ; des visualisations basées sur des flux Sud-Sud ; ou encore des cartes construites à partir de données africaines (infrastructures, réseaux logistiques, zones économiques). Ces initiatives ne visent pas seulement à corriger une image : elles participent d’un mouvement plus large de réappropriation cognitive. L’Union africaine, des ONG, des gouvernements et des universités africaines militent pour une cartographie plus juste, en phase avec des projets ambitieux tels que la ZLECAf, l’intégration numérique ou l’Union monétaire. Redessiner la carte, ce n’est pas effacer les frontières, mais replacer l’Afrique au centre d’un monde qu’elle contribue à façonner. C’est reconnaître sa véritable échelle, sa puissance démographique, économique et culturelle. Une carte juste n’est pas qu’un outil géographique : c’est un pas vers un monde plus équitable, plus lucide, plus équilibré.

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