Cameroun : L’arrivée d’Issa Tchiroma en Gambie au cœur du cyclone post-électoral
Entre hospitalité humanitaire, pressions régionales et risques diplomatiques, l’accueil du leader de l’opposition camerounaise révèle une crise africaine plus profonde que ne l’admettent les capitales du continent. La nuit où tout a basculé Le 7 novembre 2025, vers 23h15, un petit jet privé se pose discrètement sur le tarmac de l’aéroport international de Banjul. À bord : Issa Tchiroma Bakary, figure centrale de l’opposition camerounaise, fraîchement arrivé d’un pays voisin après plusieurs jours de déplacements clandestins. Il est immédiatement pris en charge par une équipe restreinte du ministère gambien de l’Intérieur, sans protocole, sans caméra. « L’objectif était d’éviter tout incident diplomatique », confie un haut responsable gambien sous couvert d’anonymat. Mais le secret ne tiendra pas longtemps. Une annonce calibrée au millimètre par Banjul Trois jours plus tard, la Gambie officialise la présence de Tchiroma dans un communiqué au ton chirurgical : l’opposant est accueilli pour des “raisons purement humanitaires”, dans un “esprit de solidarité africaine”, sans aucune intention de devenir base arrière de contestation contre le Cameroun. La précision n’est pas anodine : Yaoundé surveille, Abuja observe, l’Union africaine écoute, et Banjul marche sur une ligne diplomatique dangereusement étroite. Une victoire politique pour Issa Tchiroma Depuis son exil, Issa Tchiroma Bakara se proclame vainqueur du scrutin présidentiel camerounais et vient de nommer une porte-parole – un acte symbolique mais lourd de sens. Dans un message transmis à la presse africaine, un proche déclare : « Il n’est pas en exil politique, mais en exil de survie. Il continuera à parler au peuple camerounais ». Cet activisme embarrasse Yaoundé : un opposant officiellement protégé par un État africain devient difficile à neutraliser, diplomatiquement comme médiatiquement. Le calcul discret de la Gambie En apparence, Banjul joue la carte de l’hospitalité. En réalité, selon plusieurs sources diplomatiques ouest-africaines, l’État gambien veut se positionner comme médiateur dans une crise dont les conséquences pourraient dépasser le seul Cameroun. L’évocation explicite du Nigeria dans le communiqué gambien n’est pas fortuite. Un diplomate confie : « La Gambie ne prendrait pas une telle décision sans l’aval implicite d’Abuja. Le Nigeria veut éviter une déflagration en Afrique centrale ». Pour le président gambien Adama Barrow, l’enjeu est double : Accroître sa crédibilité internationale ; éviter de provoquer une réaction agressive de Yaoundé. Yaoundé inquiet : l’exil comme arme diplomatique Pour le Cameroun, l’exil d’Issa Tchiroma à Banjul n’est pas qu’une affaire humanitaire : c’est un problème stratégique. Car un opposant reconnu, médiatisé, installé dans un pays tiers, peut attirer le soutien de la diaspora, galvaniser une contestation déjà volatile, devenir un symbole continental. Un expert camerounais du droit public résume : « Tchiroma à Banjul, ce n’est pas Tchiroma en fuite ; c’est Tchiroma protégé ». L’Afrique de l’Ouest scrute la crise camerounaise La crise post-électorale du Cameroun n’est pas isolée : la Sierra Leone a connu une contestation électorale explosive ; le Sénégal sort d’une impasse politique ; la Guinée est sous transition militaire ; le Niger et le Mali sont en rupture avec l’ordre constitutionnel. La Gambie sait que chaque crise non résolue peut contaminer la région. Un analyste de la CEDEAO confie : « Ce n’est pas seulement un problème camerounais. Les crises électorales africaines ont tendance à migrer ». Une hospitalité à haut risque : trois dangers majeurs pour Banjul 1. La colère de Yaoundé : Le Cameroun pourrait considérer cet accueil comme une ingérence indirecte. 2. L’effet d’aimant pour l’opposition camerounaise : D’autres figures pourraient tenter de rejoindre la Gambie. 3. Trois scénarios pour les semaines à venir Scénario 1 : Médiation pilotée par le Nigeria (le plus probable) – Banjul abrite Issa Tchiroma, Abuja négocie discrètement avec Yaoundé, l’UA encadre les discussions. Scénario 2 : Pression diplomatique de Yaoundé sur la Gambie – Menaces économiques, révision des accords bilatéraux, campagnes médiatiques. Scénario 3 : Internationalisation complète de la crise camerounaise – ONG, institutions africaines et partenaires occidentaux s’en mêlent. La Gambie devient, malgré elle, un « hub diplomatique ». Un exil qui dépasse l’homme L’arrivée d’Issa Tchiroma Bakary à Banjul est un événement géopolitique, non un simple épisode d’exil.Il révèle : les fragilités de la transition politique camerounaise ; la montée des tensions entre régimes et oppositions en Afrique ; le rôle croissant des petits États dans les arbitrages continentaux ; la centralité du Nigeria dans la stabilisation régionale. Pour la Gambie, c’est une opportunité. Pour le Cameroun, une gêne. Pour l’Afrique, un signe : le continent entre dans une ère où le refuge politique redevient une arme diplomatique.
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