24 novembre 2025

Les Européens savent que le continent africain n’est plus seulement un voisin : c’est devenu un pivot énergétique, géo-économique et diplomatique incontournable

Luanda, ligne de front : l’Europe joue son influence, l’Afrique avance ses priorités

À Luanda, où s’ouvre le 7ᵉ sommet UA–UE, la diplomatie européenne n’est plus en terrain conquis. L’Afrique, désormais centre de gravité d’une compétition mondiale féroce, arrive en position de force ; l’Europe, elle, en position défensive — cherchant autant à préserver son influence qu’à rattraper un retard stratégique creusé par la Chine, les États-Unis, la Russie et les pays du Golfe. La scène est révélatrice : l’UE poursuit sa tournée africaine juste après un G20 marqué par l’absence américaine, symbole d’un basculement plus large. Les Européens savent que le continent africain n’est plus seulement un voisin : c’est devenu un pivot énergétique, géo-économique et diplomatique incontournable — et un test de leur capacité à exister dans un monde fragmenté. L’Europe veut rattraper son retard – l’Afrique veut capitaliser sur sa nouvelle centralité Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2024, le commerce UE-Afrique tombe à 355 milliards d’euros, contre plus de 500 milliards trois ans plus tôt. Dans le même temps, la Chine promet 50 milliards de dollars d’investissements, la Russie renforce son empreinte sécuritaire, et les États-Unis financent le corridor stratégique du Lobito pour connecter les minerais de la RDC à l’Atlantique. Résultat : l’Europe n’est plus la seule offre sur la table. Elle doit convaincre. Le nerf de la guerre : énergie, minerais et industrialisation Luanda arrive au moment où les minerais critiques deviennent un enjeu existentiel. Cobalt, platine, manganèse, tantale : sans l’Afrique, pas de batteries, pas de transition verte, pas d’industrie numérique souveraine en Europe. Bruxelles présentera d’ici fin 2025 son plan RESourceEU, centré sur la sécurisation des approvisionnements. Mais face à la méfiance africaine, les Européens devront démontrer que ce n’est pas un nouveau cycle extractif. Les États africains, eux, ont déjà commencé à imposer leurs conditions : interdictions d’export brut, obligation de transformation locale, stratégies de montée en gamme industrielles. L’ère du « prendre et partir » est terminée. Sécurité, migrations, diplomatie : l’Europe sur une ligne étroite Le sommet traite aussi du dossier le plus explosif : les migrations, devenu carburant politique des extrêmes en Europe. Bruxelles veut lier investissements et coopération migratoire ; plusieurs capitales africaines refusent cette logique d’échange conditionnel. Sur le terrain sécuritaire, la Russie a profité du vide laissé par le retrait occidental au Sahel ; l’UE tente désormais de sauver ses dernières positions. À Luanda, l’Europe découvre un continent moins docile-et plus stratégique En filigrane, une évidence : l’Afrique ne cherche plus des promesses, mais des investissements rapides, des infrastructures visibles, et une industrialisation qui crée de la valeur chez elle. « L’Afrique ne veut plus de déclarations ; elle veut des engagements crédibles », rappelle le porte-parole de l’UA. Pour l’Europe, Luanda n’est donc pas un sommet de plus : c’est un test de crédibilité. Pour l’Afrique, c’est une fenêtre de puissance. Une relation plus équilibrée est possible. Mais elle se jouera désormais sur un principe simple : l’Afrique négocie d’égal à égal — et le monde écoute.

Luanda, ligne de front : l’Europe joue son influence, l’Afrique avance ses priorités Read More »

la présidence sud-africaine a réussi à « placer la croissance et le développement de l'Afrique au centre du G20 ».

G20 de Johannesburg : Qu’a gagné l’Afrique et le Sud global ?

Le Sommet du G20 en Afrique du Sud restera comme un événement paradoxal : un moment historique pour le continent, mais marqué par l’absence spectaculaire des États-Unis, pourtant appelés à prendre la présidence tournante du forum. Si cette omission a occupé les gros titres, l’enjeu réel est ailleurs : qu’a obtenu l’Afrique – et plus largement le Sud global – de cette séquence diplomatique inédite ? L’Afrique au centre d’un agenda mondial qu’elle ne subit plus entièrement Le président sud-africain, Cyril Ramaphosa a insisté sur un point : la présidence sud-africaine a réussi à « placer la croissance et le développement de l’Afrique au centre du G20 ». Cela représente une rupture. Historiquement, l’Afrique était surtout mentionnée dans les annexes, souvent sous l’angle de l’aide ou de la vulnérabilité. Cette fois, l’agenda a intégré : Les infrastructures stratégiques ; une réforme partielle du financement multilatéral ; le soutien à la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) ; et un engagement à aligner les investissements du G20 sr les besoins industriels africains. Pour les diplomates africains, c’est déjà un gain majeur : un cadre politique, non plus caritatif, mais économique. Un repositionnement symbolique mais puissant : un G20 sur le sol africain Pour la première fois, le Sommet des dirigeants s’est tenu sur le continent africain. Même si certains y voient un acte symbolique, ce symbole compte. Il signifie notamment que l’Afrique n’est plus un « acteur invité” ; le continent exige d’être acteur structurant dans la gouvernance économique mondiale ; le G20 reconnaît son poids démographique (1,4 milliard d’habitants) ; mais aussi son potentiel économique (marché le plus dynamique du XXIᵉ siècle selon la Banque mondiale). Johannesburg a donné au Sud global une tribune politique unique, confirmant la trajectoire initiée par l’Indonésie, l’Inde et le Brésil : une diplomatie multipolaire, plus inclusive, moins centrée sur les priorités occidentales. Des engagements géopolitiques clés pour la stabilité africaine La déclaration finale, parfois décrite comme un compromis minimaliste, contient néanmoins plusieurs passages essentiels pour l’Afrique : engagement pour la paix au Soudan ; soutien à une stabilisation durable en RDC; réaffirmation de la nécessité d’un règlement juste au Moyen-Orient ; mention explicite de la crise ukrainienne, mais dans des termes compatibles avec un positionnement multipolaire. Ces engagements ne résolvent pas les conflits, mais ils confirment que les crises africaines ne sont plus reléguées au second plan des priorités internationales. Le Sud global s’affirme comme bloc politique Le sommet a aussi montré que le Sud global n’est plus une abstraction, mais un acteur cohérent, articulé autour de priorités pour le développement ; d’un agenda industriel commun ; et d’une vision multipolaire du monde. L’Afrique du Sud s’est clairement inscrite dans la lignée diplomatique de l’Inde (G20 2023) et du Brésil (G20 2024). Pour la première fois, un continuum sud-sud s’est exprimé à l’intérieur même du G20. L’absence des Etats-Unis : un handicap, mais aussi une opportunité L’absence américaine a évidemment fragilisé la solennité de la passation. Mais paradoxalement, elle a permis au Sud global : de montrer son autonomie ; de se structurer sans tutelle occidentale ; d’accélérer la réflexion sur une gouvernance mondiale plus inclusive. Plusieurs diplomates africains confient en privé qu’une présence américaine trop dominante aurait « écrasé » certaines propositions africaines. L’absence de Washington a ouvert de l’espace politique. Ce que l’Afrique n’a pas obtenu Tout n’est pas victoire. Le continent n’a pas obtenu : un engagement massif sur l’allégement de la dette ; un plan structurant sur les chaînes de valeur africaines ; ni un mécanisme clair de transfert technologique. Le G20 reste un forum où l’Afrique négocie en position de faiblesse – mais une faiblesse désormais assumée, organisée, articulée. Un pas, pas une révolution – mais un pas décisif Ce G20 n’a pas transformé l’Afrique, mais il a modifié sa place dans le concert des nations.La présidence sud-africaine a offert une visibilité inédite, inscrit l’Afrique dans le centre des discussions stratégiques, et consolidé la montée en puissance du Sud global. Ce que l’Afrique en tire, finalement, est simple : une entrée durable dans la diplomatie des grandes puissances.Le reste dépendra de sa capacité à maintenir cette pression lors des prochaines présidences – y compris celle, très incertaine, des États-Unis.

G20 de Johannesburg : Qu’a gagné l’Afrique et le Sud global ? Read More »

Scroll to Top